Comme beaucoup de monde aujourd’hui, vous êtes conscient de l’urgence climatique. Il se pourrait même que par moment cela vous angoisse, mais vous faites de votre mieux. Vous effectuez vos achats en tenant d’éviter les entreprises qui pratiquent le greenwashing, vous réfléchissez à deux fois avant de prendre l’avion, et vous essayez de trier vos déchets le mieux que vous le pouvez, et c’est très bien. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) l’a d’ailleurs rappelé dans son dernier rapport, les changements de comportements et de modes de vie pourraient permettre une diminution de 40 % à 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Oui, mais voilà, malgré toutes vos bonnes actions, vous pourriez polluer, ou plutôt financer des projets d’énergies fossiles, et cela, par l’intermédiaire de votre banque et de votre épargne.

En 2020, Oxfam révélait dans un rapport que l’empreinte carbone des grandes banques françaises représentait « près de huit fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière. » Nous précipitant ainsi vers un réchauffement à + 4 °C d’ici 2100. À cette occasion, Global Citizen s’est entretenu avec Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer  finance et climat  chez Oxfam pour en savoir plus sur l’empreinte carbone qu’émettent nos banques.

Pour comprendre pourquoi les banques polluent, il faut revenir au fonctionnement même de celles-ci. Beaucoup de personnes ignorent encore que leur argent une fois déposé sur leur compte bancaire servira à financer des projets en faveur des énergies fossiles. 

M. Poidatz explique : « Il y a deux éléments distincts, le compte épargne qui va vraiment servir à investir dans une entreprise directement, et le compte courant, pour lequel le mécanisme est indirect, car à partir du moment où l’on a de l’argent dessus, on participe aux frais de fonctionnement de la banque et ce qui lui permet ainsi d’avoir des ressources financières pour prêter de l’argent. »

À l’heure actuelle, il n’existe pas de réglementation définissant un cadre stricte dans lequel les banques peuvent évoluer. À l’échelle européenne, des discussions sont en cours pour créer une taxonomie « verte » qui permettrait d’établir une classification des activités économiques afin de déterminer si celles-ci peuvent être considérées comme « durables sur le plan environnemental ».   

En France, seul le livret A et le livret développement durable sont soumis à une réglementation (ou les labels comme GreenFin), le reste repose plutôt sur « la bonne volonté des banques . Sans réglementation de l’état, si votre banque vous propose un placement développement durable, il faut se méfier. » met en garde M. Poidatz.

Malgré l’absence de réglementation, les Global Citizens ont tout de même plusieurs leviers pour évaluer les émissions de leur argent et montrer aux banques que nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre. 

1- Utiliser le calculateur Oxfam.

En collaboration avec le cabinet de conseil Carbone 4, Oxfam a mis en place un calculateur pour vous permettre d’estimer l’empreinte carbone de vos comptes bancaires. Rendez-vous ici pour y avoir accès. Il vous suffit d’indiquer en euros le montant total de votre argent, les six principales banques françaises y sont présentes.

Deux ans après le rapport d’Oxfam, ces six banques françaises ont-elles réorienté leur activité ?

« Aujourd’hui les banques françaises n’investissent plus dans le charbon, néanmoins les quatre plus grosses banques françaises continuent d’avoir des activités vers les énergies fossiles sans réorienter leur financement vers la transition énergétique. » explique M. Poidatz.

Néanmoins, d’après ce dernier, on peut voir tout de même quelques signes de progrès du côté du Crédit Mutuel et de la Banque Postale : « On peut voir que la Banque Postale prend de plus en plus de mesure pour sortir des énergies fossiles et réduire son empreinte carbone, elle s’est notamment engagée en octobre 2021 à ne plus financer aucun projet lié à des énergies fossiles. »

Les banques françaises continuent cependant d’être le premier financeur européen des énergies fossiles. Dernièrement, de nombreux activistes avaient dénoncé les financements accordés par trois banques françaises au projet EACOP (L'oléoduc d'Afrique de l'Est) de TotalEnergies en Ouganda qualifié de bombe climatique.

2 - Télécharger l’application RIFT.


Si vous souhaitez savoir si votre épargne finance des projets tel que l’EACOP ou l’une des 425 autres « bombes carbone » qui pourrait voir le jour, l’application RIFT est faite pour vous. Initié par les équipes de la plateforme d’investissement responsable Lita, cette application vous permet de consulter l’impact sociétal et environnemental de vos comptes courants, livrets A et assurances-vie.

Si vous avez déjà utilisé des applications comme Yuka, le principe est relativement similaire. Il vous suffit de rentrer l’argent que vous possédez sur vos différents comptes et livrets, l’application vous indique ensuite le nombre de kilogrammes de CO² émis par an, ainsi que les secteurs financés par votre épargne (immobiliers, grandes entreprises, prêts aux particuliers, etc.). L’application vous alerte ainsi lorsque vous financez un secteur sensible tel que l’armement ou des projets liés à des énergies fossiles.

Si vous n’êtes pas en accord par l’utilisation que fait votre banque de votre épargne, l’onglet  « Agir » vous permet d’aller plus loin en vous proposant des alternatives de placement en fonction des thèmes et secteurs que vous désirez supporter. 

3- Contacter son conseiller bancaire.


Une fois que vous en savez un peu plus sur comment est utilisé votre argent, envoyer un e-mail à son conseiller bancaire, premier interlocuteur de tout client, reste un bon moyen de montrer à votre banque que la façon dont est utilisée votre épargne vous importe.

Plus des clients réclameront des placements en faveur de la transition durable, plus les banques se verront obligées de changer leur pratique pour répondre à la demande.

Dernièrement, en amont de l’assemblée générale de TotalEnergies, de nombreux activistes climatiques, dont Camille Étienne, ont appelé, toutes les personnes opposées au projet EACOP à prendre contact avec leur banque pour exprimer leurs désaccords dans le soutien financier qu’elles pouvaient apporter.

4-  Choisir des banques alternatives. 


Si votre banque actuelle ne répond pas à vos valeurs, il vous est possible de vous rapprocher de solutions plus éthiques telles que la Nef, une coopérative bancaire, qui, depuis plus de 33 ans, propose uniquement de financer des projets écologiques, sociaux et culturels.

Autre possibilité, le Crédit coopératif, une banque coopérative dont le capital est détenu par ses clients. Son compte et livret AGIR donnent la possibilité à chacun de choisir quelle organisation partenaire elle souhaite soutenir.

M. Poidatz rappelle tout de même que : « l’objectif est surtout de changer les banques plutôt que de changer de banques ».

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Par Antoine Le Seigle