Comment les Global Citizens ont poussé le Royaume-Uni à augmenter son financement pour la vaccination contre la polio

Auteur: James Hitchings-Hales

Credit: Global Polio Eradication Initiative (GPEI)

À la toute fin de ma conversation avec Sarah Humphreys — une jeune diplômée de Kent âgée de 24 ans qui s’implique avec Global Citizen depuis plus de cinq ans — celle-ci me dit que sa grand-mère est décédée la semaine précédente. Les funérailles avaient eu lieu trois jours plus tôt et c’est à Sarah qu’on avait demandé de faire l’éloge funèbre.

Tout juste avant le décès de sa grand-mère, Sarah avait demandé à cette dernière quel était son conseil pour vivre jusqu’à 90 ans.

« Vit le mieux possible et assure-toi d’aider les autres, surtout ceux qui ne peuvent s’aider eux-mêmes » lui a-t-elle dit. 

« Et c’est exactement ce que vous faites, a affirmé Sarah à Global Citizen. Il y a des gens dans d’autres pays qui ne peuvent s’aider eux-mêmes, et sans des gens comme vous qui signez des pétitions, ces gens n’auraient pas voix au chapitre. »

Sarah Humphreys adore les festivals de musique, les chaussures Yeezy et le footballeur Frank Lampard. Elle a joué à Mario Kart avec Stormzy tout à fait par hasard et elle a « presque » atteint la célébrité sur TikTok. Mais surtout, elle milite avec passion pour la justice sociale : avec Global Citizen, elle a signé des pétitions, envoyé des tweets et de nombreux e-mails à des dirigeants en exigeant qu’ils en fassent plus pour éradiquer l’extrême pauvreté.

Pour son engagement, Sarah a gagné des billets pour assister au Festival Benicassim en Espagne (« Le plus grand plaisir de toute ma vie », dit-elle) ; Global Citizen Live à Brixton avec Emeli Sandé et Professor Green ; Global Citizen Prize en compagnie de son ex-partenaire de jeu Stormzy et à Londres avec Drake, qu’elle a vu deux fois lors d’une même semaine mémorable.

Toutefois, la principale motivation de l’engagement de Sarah n’est pas la musique, mais plutôt son désir de faire le bien.

C’est ce qu’elle a fait en 2017 lorsqu’elle a participé à la campagne de Global Citizen pour l’éradication de la polio, une maladie cruelle, potentiellement paralysante et mortelle, qui frappe les enfants de manière disproportionnée. Cette campagne témoigne avec éloquence des actions menées par Global Citizen et montre bien que la moindre action, par effet d’entraînement, peut profondément changer le cours des choses. Voyons donc comment les actions de Sarah Humphreys ont eu un impact important sur la société.

Première partie : Le problème

La poliomyélite, ou polio, a été éradiquée à 99,9 % à l’échelle de la planète.

C’est là une remarquable réussite : en 1988, la polio faisait des ravages dans plus de 125 pays. Aujourd’hui, elle n’est endémique que dans deux pays. Au fil des années, le nombre de cas est passé de 350 000 en 1988 à seulement 129 depuis le début de l’année 2020, et la Grande-Bretagne n’a recensé aucun cas depuis 1984.

Avant qu’un vaccin contre la polio ne soit commercialisé en 1956, la Grande-Bretagne comptait quelque 7 760 cas de paralysie dus à la polio et 750 décès. Elle a touché des gens comme Mary Berry, de Great British Bake Off, la légende de la musique punk Ian Dury, l’icône du folk Joni Mitchell et même l’ex-président des États-Unis Franklin D. Roosevelt.

« Je me sentais vraiment seule et terriblement mal et je ne voulais qu’une seule chose : retrouver ma mère,  a expliqué Mary Berry au Daily Mail en 2013, en racontant avoir été confinée dans une chambre isolée après avoir attrapé le virus à l’âge de 12 ans. Mes parents en étaient réduits à me sourire et à tenter de me rassurer en restant de l’autre côté de la vitre. J’avais à peine la force de lever la tête pour être capable de les voir. »

« Lorsqu’ils me rendaient visite, je n’arrêtais pas de pleurer, poursuit-elle. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi ma mère ne pouvait pas venir me cajoler, me parler et me réconforter. Mes parents devaient souffrir beaucoup eux aussi. »

Pour Sarah Humphreys, la lutte pour vaincre la polio doit s’inscrire dans l’éradication des iniquités à l’échelle mondiale. Pour elle, c’est une énorme injustice qu’un pays comme la Grande-Bretagne jouisse de services de santé bien établis alors que d’autres pays n’ont même pas accès à une chose aussi simple que la vaccination contre la polio.

« J’ai commencé à m’engager dans la lutte à la polio parce que… c’est inadmissible que cette maladie fasse encore des victimes, explique Sarah Humphreys. Bien qu’elle soit presque éradiquée, des pays ne disposent toujours pas des ressources matérielles ou financières pour vacciner leurs populations. »

« Maintenant que nous disposons d’un vaccin, poursuit-elle, nous devrions tous unir nos voix et aider les pays qui en ont besoin. »

Après avoir signé la pétition, Sarah Humphreys a voulu en savoir plus sur la polio en consultant la plateforme de Global Citizen. Elle a lu les articles, regardé des vidéos et discuté de la situation avec son père, ce qui lui a permis de découvrir que la polio faisait partie de l’histoire de sa propre famille.

« En discutant avec mon père des actions que mènent les Global Citizens et de la campagne pour éradiquer la polio, celui-ci m’a expliqué que ma grand-tante avait contracté la polio lorsqu’elle était enfant, a expliqué Sarah. On ne s’attend pas à ce qu’une personne que l’on connaît ait été atteinte de cette maladie. Et si on n’en parle pas, on ne réalise pas vraiment que des gens puissent en être victimes. »

« Pour les jeunes de ma génération, cette maladie est quasiment inconnue, ajoute-t-elle. Et je constate avec tristesse qu’elle touche d’autres pays et d’autres familles. Dans notre pays, les gens qui sont susceptibles de contracter cette maladie peuvent se faire traiter par les services de santé. Mais dans d’autres pays, les victimes n’ont pas cette chance et elles en subiront les conséquences toute leur vie durant. »

« On ne réalise pas à quel point cette maladie peut être proche de nous, et c’est terrible qu’elle fasse toujours des ravages dans d’autres pays », dit-elle.

Le combat contre la polio explique en grande partie la création de Global Citizen.

L’année avant le tout premier festival organisé par Global Citizen à Central Park, à New York, où quelque 60 000 jeunes militants ont acclamé Neil Young et les Foo Fighters, un autre événement a eu lieu en Australie. 

Ce grand spectacle, sous le titre « End of Polio Concert », a réuni à Perth 5 000 Global Citizens venus applaudir John Legend et ses invités la veille de la rencontre des dirigeants des pays du Commonwealth en 2011. À cette occasion, Global Citizen a publié sa toute première vidéo sur YouTube !

Global Citizen a organisé ce festival dans le but de demander aux dirigeants mondiaux de soutenir l’Initiative mondiale pour l’éradication de la polio, un partenariat qui permet, entre autres, de vacciner des millions d’enfants dans le monde. 

Lancée en 1988, cette initiative est un partenariat mondial visant à recueillir des fonds afin d’éradiquer la polio. On estime qu’aujourd’hui, 18 millions de personnes peuvent marcher alors que, sans vaccin, elles seraient paralysées suite à la maladie, et que le vaccin a sauvé la vie de plus de 1,5 million de personnes.

Le concert a atteint ses objectifs : 118 millions de dollars ont alors été recueillis et l’événement a constitué un « tournant », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui tente d’éradiquer la polio une fois pour toutes. Fier de ce succès, Global Citizen a poursuivi ses efforts principalement en Grande-Bretagne.

À partir de 2012-2013, Global Citizen a mené quelque 152 000 actions auprès du gouvernement du Royaume-Uni pour exiger qu’il poursuive ses efforts de financement de l’Initiative pour l’éradication de la polio. Encore une fois, le succès fut au rendez-vous : en avril 2013, le Department of International Development (DfID) du gouvernement britannique s’est engagé à investir la somme de 300 millions de livres sur une période de six ans. 

Mais cela ne fut pas suffisant et Global Citizen devait poursuivre la lutte.

« Il serait dramatique d’avoir parcouru tout ce chemin et de laisser encore des personnes être victime de cette maladie, explique Sarah Humphreys. Personne ne devrait être laissé pour compte et se voir refuser le vaccin. »

Deuxième partie : La solution

Pendant les quatre années suivantes, les dirigeants mondiaux ont été peu actifs dans la lutte contre la polio. Mais Global Citizen veillait au grain : entre 2015 et 2017, nous avons, avec des militants comme Sarah Humphreys, mené 481 000 nouvelles actions, dont une pétition et l’envoi de tweets à l’ex-première ministre du Royaume-Uni, Theresa May.

Au Royaume-Uni même, plus de 35 000 actions ont été menées en soutien à la campagne d’éradication de la polio en partenariat avec le groupe M&C Saatchi. Global Citizen s’est même joint au Musée de la science de Londres pour inviter le public à participer au Chopper Challenge en réussissant à faire atterrir un hélicoptère-jouet rempli de vaccins imaginaires, une activité qui a permis de rallier à la cause une centaine de nouveaux Global Citizens !

Paul Abernethy, ex-responsable de la campagne, a travaillé à Global Citizen de 2014 à 2018. Durant cette période, il a dirigé la campagne visant à convaincre le gouvernement du Royaume-Uni de recommencer à financer l’Initiative pour l’éradication de la polio, alors que toute l’attention du pays se portait sur le référendum du Brexit et ses douloureuses conséquences. 

Mais M. Abernethy a affirmé que les pétitions et les milliers de tweets envoyés par les Global Citizens ont fait en sorte que « le message [ait] été reçu haut et fort ».

« Historiquement, poursuit M. Abernethy, le Royaume-Uni a été l’un des contributeurs principaux et les plus actifs dans la lutte contre la polio, alors il était important que le gouvernement recommence à s’impliquer et s’engage à financer de nouveau la cause, non seulement en investissement lui-même des sommes importantes et nécessaires, mais également en incitant d’autres donateurs à s’engager durant cette année critique pour réussir à éradiquer la polio. »

Le défi était de taille. En plus de l’instabilité politique, trouver les arguments pour convaincre les gens de l’importance d’éradiquer la polio n’était pas évident dans un pays où aucun cas n’avait été recensé depuis des décennies.

« Pour nombre de personnes, affirme M. Abernethy, la polio est un sujet un peu abstrait et une maladie qui n’est présente que dans quelques pays lointains. Et les jeunes générations ne réalisent pas toujours que la polio était bien présente au Royaume-Uni il y a moins de 40 ans. » 

« Les parents, tantes, oncles et grands-parents de ces jeunes ont tous vécu sous la menace que représente cette maladie, ajoute-t-il. Ainsi, s’il n’était pas évident d’aborder le sujet avec les jeunes, le fait de les sensibiliser à l’histoire récente de la polio dans le pays a changé leur perception. Les gens ont alors compris que si on a réussi à éradiquer la maladie du Royaume-Uni, il est possible de le faire au Pakistan, en Afghanistan et au Nigeria. »

« Cela a donné de l’espoir aux gens et c’était extraordinaire de voir leur réaction », poursuit M. Abernethy.

La campagne a reçu un accueil enthousiaste des membres du parlement britannique. La baronne Patricia Scotland, secrétaire générale du Commonwealth des Nations est notamment montée sur scène lors du Festival Global Citizen à Central Park en 2016 pour soutenir la cause.

« Je promets de soutenir tous les efforts en vue d’éradiquer la polio, une maladie qui est vaincue à 99,9 %, explique Patricia Scotland. Nous ne pouvons pas nous arrêter maintenant. »

Tout cela a provoqué une intense activité en coulisse, notamment une rencontre qui a culminé avec un discours de la baronne Anne Jenkins devant la chambre des Lords le 16 mars 2017.

« Conformément aux Objectifs de développement durable, Global Citizen estime qu’en menant les actions requises sur les plans politique et financier pour mettre fin à la polio dans le monde en 2020, nous nous assurerons que personne ne soit laissé pour compte », a-t-elle affirmé.

Le Royaume-Uni semblait alors prêt à investir d’autres sommes importantes. Mais le 17 avril, tout s’est arrêté lorsque la première ministre Theresa May a déclenché des élections générales, ce qui a entraîné un changement des priorités gouvernementales. 

Global Citizen s’était néanmoins préparé à toute éventualité. Tout de suite après l’élection, en juin, nous avons exigé du gouvernement qu’il investisse de nouveaux fonds en faveur de l’Initiative pour l’éradication de la polio dans les 100 jours de son arrivée au pouvoir.

Enfin, le mois suivant, en août 2017, la campagne atteignait son objectif alors que le gouvernement britannique annonçait l’investissement de 100 millions de livres que demandait Global Citizen. 

Ce résultat extraordinaire a incité 2 000 Global Citizens à envoyer un e-mail de remerciement au Department of International Development britannique.

« C’est en raison d’efforts de ce genre que la polio devrait être la deuxième maladie dans toute l’histoire de l’humanité à être éradiquée », a souligné Alistair Burt, ministre du Développement international en septembre 2017 lors de l’événement Global Citizen Live à New York. Il a alors souligné que l’engagement du Royaume-Uni permettrait d’immuniser 45 millions d’enfants chaque année jusqu’en 2020. 

Ce financement a fait en sorte que chaque minute, 80 enfants soient immunisés dans le monde.

« Je suis extrêmement fière que notre gouvernement ait investi ces 100 millions de livres pour aider les pays qui en ont besoin à vacciner les enfants contre la polio », a indiqué Sarah Humphreys. 

« Bien sûr, c’est fantastique de pouvoir investir cette somme, mais j’estime que nous pouvons en faire encore plus et nous assurer enfin que le monde entier puisse être protégé », a-t-elle conclu.

Troisième partie : L'impact 

Depuis cet engagement significatif, le monde a profondément changé.

Si vous prononcez le mot « virus » en vous promenant dans la rue aujourd’hui, les gens ne l’associeront certainement pas à la polio. On pensera bien sûr spontanément à la pandémie de COVID-19. Il en va de la santé mondiale et tout le monde espère que cette terrible pandémie sera la dernière.

Cela nous montre qu’il est tout à fait pertinent de soutenir l’Initiative pour l’éradication de la polio. D’ailleurs, les responsables de cette initiative ont su s’adapter en déployant rapidement du personnel expérimenté en première ligne pour combattre le coronavirus tout en poursuivant les efforts pour immuniser les populations touchées par la polio.

La capacité du personnel de l’Initiative pour l’éradication de la polio à réagir rapidement à la COVID-19 confirme la pertinence des milliers d’actions entreprises par les Global Citizens, qui ont incité le Department of International Development du Royaume-Uni à s’engager.

« Global Citizen et les organisations communautaires qui l’appuient sont des partenaires essentiels dans nos efforts pour éradiquer la polio, a mentionné le directeur de l’initiative pour l’éradication de la polio, Michel Zaffran. L’éradication de la polio est au centre de l’action des communautés et l’engagement des citoyens de partout dans le monde est essentiel à notre succès. »

Si l’année 2020 nous laissera des souvenirs douloureux, elle aura pourtant vu des avancées importantes dans notre lutte pour la santé mondiale. En effet, en août, l’Afrique a finalement été en mesure d’éradiquer la polio sauvage, ce qui a été décrit par le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, comme « l’une des plus grandes réussites de notre époque en matière de santé ».

« Nous sommes tout près de réussir à éradiquer enfin la polio, a indiqué M. Abernethy. Nous sommes dans le dernier droit et dès lors, il était extrêmement important que les gouvernements s’unissent pour finir le travail. »

 « Si l’actuelle pandémie de COVID-19 nous a enseigné quelque chose, c’est que nous sommes tous dans le même bateau et que nous ne sommes jamais plus forts que le plus faible de nos maillons, ajoute-t-il. En matière de santé, si les gouvernements n’étaient pas mobilisés, la polio continuerait de se répandre dans le monde et près de 40 ans de progrès seraient perdus. »

Sarah Humphreys a fait de l’engagement du Royaume-Uni une affaire personnelle pour elle-même, mais aussi pour sa grand-mère, les valeurs qu’elle défend et, surtout, en tant que Global Citizen. Elle affirme avoir hâte de participer à d’autres campagnes et d’inciter d’autres personnes à faire de même. Global Citizen est chanceux de pouvoir compter sur une personne comme elle.

« Passer à l'action avec Global Citizen est extrêmement important, surtout que ce qu’on nous demande de faire est finalement tout simple, mais ces quelques minutes d’effort pour s’informer et passer à l’action peuvent faire une réelle différence pour les gens qui sont dans le besoin, poursuit Sarah Humphreys. C’est très important : sans cet engagement, nous n’en serions pas là  où nous [en] sommes aujourd’hui. » 

Elle conclut en soulignant qu’« il suffit de quelques minutes dans une journée pour envoyer un e-mail » et que « cette simple action peut faire une énorme différence ».