La lutte mondiale contre la polio se poursuit. Pour beaucoup, le combat commence chez soi.

Auteur: Camille May

Human Design for Global Citizen


Hafsat Ibrahim, formatrice en polio pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et mère de cinq enfants, est fière des nombreuses vies qu’elle a pu protéger de la polio dans sa communauté de l’État de Kano, au Nigeria. Son rôle a contribué à façonner les attitudes de la communauté à l’égard de la vaccination et à lui fournir le salaire nécessaire pour lancer une petite entreprise afin de subvenir aux besoins de sa famille.

« J’ai travaillé avec l’OMS pour m’assurer que chaque enfant est vacciné [et] mes cinq enfants ont reçu ce traitement. Je suis très heureuse parce que leur système immunitaire a été renforcé et ils sont aussi en meilleure santé », a déclaré Hafsat Ibrahim à Global Citizen en aout. « J’ai vu le changement, car maintenant que le vaccin est accessible [il n’y a] plus d’enfants paralysés dans la communauté ; ni de menace de poliovirus sauvage. » 

En tant que mère, citoyenne et professionnelle de santé expérimentée, Hafsat Ibrahim comprend l’importance de protéger sa communauté de la maladie mortelle, et comment son combat pour éradiquer la polio chez elle, au Nigeria, a eu des implications plus larges dans le monde entier.


Aujourd’hui, la polio est éradiquée à 99,9 % dans le monde, mais elle reste endémique en Afghanistan et au Pakistan, où les vaccinations de routine ont été entravées par la pandémie de COVID-19, les troubles et les conflits politiques, autant de facteurs qui menacent de faire dérailler les avancées vers l’éradication de la polio dans le monde. Des enfants dans le monde continuent d’être paralysés et tués par le virus. La solution, selon les experts, consiste à acheminer les vaccins dans les endroits les plus difficiles à atteindre, à vacciner chaque enfant et à changer les attitudes envers la vaccination au niveau communautaire. 

Depuis 2011, Global Citizen, aux côtés de partenaires comme la Fondation Bill & Melinda Gates et le Rotary International, fait campagne pour éradiquer cette maladie mortelle. Au fil des ans, des millions de Global Citizen se sont mobilisés pour aider à tenir des engagements à hauteur de 2,6 milliards de dollars auprès de partenaires comme l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (IMEP) et l’OMS, évitant ainsi 1,5 million de décès d’enfants. 

Malgré la persistance de récentes flambées de polio d’origine vaccinale dans certaines régions d’Afrique et d’Asie, les efforts mondiaux de vaccination contre la maladie portent leurs fruits. Depuis le lancement de l’IMEP, plus de 400 millions de personnes ont été vaccinées grâce au travail des organisations humanitaires sur le terrain, ce qui a permis à 18 millions de personnes de marcher aujourd’hui alors qu’elles auraient sûrement été paralysées le cas contraire.



« L’éradication de la polio au Nigeria a démontré que ces stratégies peuvent fonctionner pour d’autres maladies évitables », a expliqué en août à Global Citizen le Dr Mayana Sanusi Abubakar, coordinateur d’État de l’effort d’éradication de la polio de l’OMS à Kano, au Nigeria. « Tant de partenaires étaient sur le terrain au Nigeria pour soutenir l’éradication de la polio - GPEI, OMS, CDC et Global Citizen… Ces partenaires ont changé le récit dans le contexte de l’éradication de la polio au Nigeria. » 

En 2020, l’Afrique a été certifiée exempte de poliovirus sauvage, quatre ans après que le Nigeria - le dernier pays d’Afrique où la polio est endémique - ait enregistré son dernier cas de polio sauvage. Global Citizen a interviewé le docteur Abubakar lors d’un voyage au Nigeria pour savoir comment les actions des Global Citizens ont contribué aux efforts d’éradication de la polio sauvage dans tout le pays. 

« Il y avait une approche et des stratégies innovantes pour réduire les cas à presque zéro en 2020. Et grâce à cela, le Nigéria et la région africaine dans son ensemble ont obtenu la certification d’une nation et d’un continent sans polio », a déclaré le Dr Mayana Sanusi Abubakar, qui a travaillé avec des agents de vaccination, comme Hafsat Ibrahim, pour changer les mentalités des communautés à l’égard des vaccins et les distribuer aux familles dans les zones de gouvernement local des municipalités de Nasarawa et de Kano. 

Et changer le regard des populations sur le vaccin était essentiel pour éradiquer la maladie une fois pour toutes.

En 2003, les dirigeants de trois États du nord du Nigeria, dont Kano, ont arrêté les campagnes de vaccination des enfants contre la polio en annonçant aux parents que le vaccin comportait des risques dangereux pour leurs enfants. Des opinions similaires ont également été exprimées dans certaines communautés du sud du Nigeria jusqu’à ce que le pays mette en place des campagnes de sensibilisation du public pour faire évoluer les mentalités.

« Le plus grand challenge auquel le Nigeria a été confronté en tant que pays concernant l’initiative d’éducation à la polio a été de faire accepter à la population de recevoir le vaccin », a expliqué M. Abubakar. « L’acceptation du vaccin soulève de nombreuses préoccupations religieuses et culturelles en matière de santé. Les gens posaient beaucoup de questions. Pourquoi ce vaccin est-il gratuit ? Pourquoi les autres services médicaux ne sont-ils pas gratuits ? Il y a eu tellement de rumeurs non confirmées à propos du vaccin ». 

Lorsque l’IMEP a été lancée en 1988, 125 pays signalaient des cas de polio, entrainant la paralysie de plus de 1 000 enfants par jour. Aujourd’hui, plus de 3 milliards d’enfants ont été vaccinés contre la maladie, ce qui a permis de réduire les cas de 99 % au niveau international. L’initiative reconnait le rôle essentiel de femmes comme Ibrahim dans la lutte contre le virus. Au Nigeria, les femmes sont souvent les seules à pouvoir accéder aux foyers pour vacciner les enfants. Les professionnelles de la santé travaillent au sein de leurs communautés et de leurs propres familles pour améliorer les attitudes envers la vaccination contre la polio.  

« Maintenant, les gens, la communauté sont sensibilisés à la vaccination, ils laisseront leurs enfants le prendre [le vaccin contre la polio] parce qu’ils en ont vu l’importance », a déclaré Ibrahim à Global Citizen. « Avant que le vaccin ne soit accessible, les enfants mouraient paralysés et ils étaient tout le temps menacés par le poliovirus sauvage. »


Plus de dix ans se sont écoulés depuis que les Global Citizen ont appelé à l’action contre la polio lors du tout premier « End Polio Concert » en Australie. À ce jour, plus de 100 dirigeants mondiaux se sont engagés à soutenir l’éradication de la maladie, grâce aux campagnes de Global Citizen.

Les Global Citizen ont réalisé des millions d’actions pour inciter les gouvernements du Luxembourg, de Malte, de l’Australie, du Canada, du Royaume-Uni et d’autres pays à s’engager à fournir un financement urgent à l’IMEP et aux principales organisations sur le terrain. 

« Continuez à appeler, à tweeter, à alimenter nos standards téléphoniques », a déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau à la foule du Global Citizen Festival en 2016. « Vous avez montré au monde que le changement commence avec vous. Ensemble, nous allons y mettre fin pour de bon. » 

Aujourd’hui, les Global Citizen continuent de passer à l’action pour éradiquer la maladie et aident à continuer à fournir des financements urgents à des partenaires comme l’IMEP. Et ces actions sont ressenties dans le monde entier, y compris au Nigeria - et cela ne s’arrête pas à la polio. 

« Les Global Citizens, comme ils le font toujours [sont] en mesure de mobiliser des ressources pour le Nigeria afin de lutter contre d’autres maladies évitables comme le paludisme. Cela va certainement aussi changer le paysage de la lutte contre les maladies évitables par la vaccination », a déclaré le docteur Abubakar.

La seule façon d’éradiquer la polio une fois pour toutes est d’éliminer tous les cas pour tout le monde, partout. Et les actions locales dans des communautés comme celle d’Ibrahim peuvent faire toute la différence. 

« Mes cinq enfants ont tous été vaccinés. Je suis très heureux car leur système immunitaire s’est renforcé et ils sont en meilleure santé », a déclaré Ibrahim. « Leur éducation est bien développée et aussi ils peuvent s’engager dans beaucoup de choses grâce à l’immunité qu’ils ont [obtenue] ».