Chers dirigeants du G20,
Le processus du G20 de cette année a été perturbé par la situation géopolitique et en particulier par l'invasion russe en Ukraine. Cependant, cela ne diminue en rien la responsabilité du G20 en matière d'action, bien au contraire.
Le G20 a collectivement le pouvoir de résoudre certains des problèmes mondiaux les plus urgents, vous représentez les plus importantes économies, les plus gros pollueurs, les plus importants donateurs et les plus importants actionnaires des institutions financières internationales et des banques multilatérales de développement.
Ensemble, les membres du G20 représentent plus de 80% du produit intérieur brut (PIB) mondial, 75% du commerce international et 60% de la population mondiale. Aucune solution ni aucun progrès dans la lutte contre le changement climatique, la famine ou la pauvreté ne peut être imaginé sans que le G20 n'en soit le moteur.
Nous vous demandons instamment d'être à la hauteur de cette responsabilité et de veiller à ce que le G20, même dans le contexte de cette crise, conserve son effectivité. La légitimité du G20 à l'avenir dépendra des résultats concrets que celui-ci pourra obtenir, dans son ensemble ou au moins grâce à une partie de ses membres, en particulier sur les questions qui ont une incidence disproportionnée sur les plus pauvres : le changement climatique, le financement pour le développement et la sécurité alimentaire.
Voici les principaux sujets sur lesquels nous souhaitons que le G20 prenne des mesures urgentes :
Droits de tirage spéciaux
Nous exhortons les gouvernements à non seulement atteindre, mais à dépasser l'objectif de 100 milliards de dollars fixé l'année dernière par le G20, en réaffectant au moins 30 % de leurs nouveaux DTS (ou un montant équivalent dans une autre devise). Si tous les membres du G20 qui se sont déjà engagés à fournir des DTS augmentaient leur part à 30 %, nous pourrions libérer 21,6 milliards de dollars supplémentaires.
Pour maximiser l'impact de ces fonds sur le développement, les gouvernements devront faire appel aux banques multilatérales de développement et comptabiliser ces DTS en complément des promesses d'aide publique au développement (APD) déjà existantes. Le G20 devrait publier une liste complète des promesses déjà faites à ce jour. Tous les gouvernements devront rapidement mettre en œuvre les promesses annoncées.
Renouveler les engagements en matière d'aide publique au développement (APD)
Face aux multiples crises convergentes qui affectent les populations vulnérables dans le monde entier, il est essentiel que les pays donateurs du G20 s'engagent à nouveau à affecter au moins 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l'APD, comme ils l'ont promis depuis longtemps, et qu'ils veillent à ce que le soutien indispensable à l'Ukraine et aux pays voisins ne se fasse pas au détriment des priorités de développement existantes.
Réforme des banques multilatérales de développement
Le G20 doit encourager les propositions de réforme formulées dans le rapport d'examen des cadres d'adéquation des fonds propres (CAF) et publier une feuille de route pour les mettre en œuvre. Cela pourrait permettre de débloquer 500 milliards de dollars ou plus en nouveaux prêts de la part des banques multilatérales de développement (BMD). Des progrès devront être réalisés d'ici la prochaine réunion des ministres des Finances du G20, en février 2023.
Allègement des dettes
Plus de 55 % des pays à faible revenu sont en situation de surendettement ou courent un risque élevé de l'être et, sans une action urgente du G20, nous risquons d'être confrontés à une aggravation de la crise de la dette avec une augmentation des défauts de paiement. Le G20 devrait étudier les moyens d'améliorer le cadre commun (CC), par exemple en incluant plus tôt les créanciers privés, en augmentant la transparence de l'encours actuel de la dette (publique et privée) et du processus du CC, et en assurant une plus grande prévisibilité pour les pays qui souhaitent bénéficier d'un allégement.
Financement de l’action climatique
Il est indispensable que la promesse de 100 milliards de dollars par an consacrée au financement de la lutte contre le changement climatique jusqu'en 2025 soit tenue et que les pays développés comblent immédiatement le déficit actuel de 16,7 milliards de dollars. Ce financement doit être nouveau et s'ajouter à l'aide publique au développement, et privilégier les subventions aux prêts.
Les pays donateurs du G20 doivent également respecter l'engagement pris lors de la COP26 de doubler le financement destiné à l'adaptation d'ici 2025, en adoptant des feuilles de route pour atteindre cet objectif.
Pertes et dommages
En s'appuyant sur le Dialogue de Glasgow et le Bouclier mondial contre les risques climatiques, le G20 doit faire preuve de leadership et accepter de mettre en place un mécanisme de financement des pertes et dommages dans le cadre de la CCNUCC et de l'Accord de Paris. Ce mécanisme doit être doté de ressources financières sous forme de subventions, avec des modalités d'accès direct, à débloquer rapidement et à grande échelle pour les populations touchées par le changement climatique et les événements météorologiques extrêmes.
L'élimination progressive des combustibles fossiles
Le G20 doit adopter des plans concrets pour éliminer progressivement les subventions accordées aux combustibles fossiles d'ici 2025 ou plus tôt, et réinvestir ces fonds dans des systèmes énergétiques propres, équitables et durables, ainsi que dans une relance verte. Le G20 doit également s'engager à éliminer progressivement les combustibles fossiles, y compris le gaz, et convenir d'une élimination totale du charbon d'ici à 2030, ce qui constituerait une étape majeure vers le "net zéro".
Sécurité alimentaire
Malgré les engagements pris lors du G7 et du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, nous sommes encore loin d'atteindre les 33 milliards de dollars nécessaires de toute urgence pour venir en aide aux 50 millions de personnes menacées de famine dans 45 pays.
Le G20 doit œuvrer au financement d'une réponse multilatérale et coordonnée afin de garantir à la fois une intervention d'urgence dans les régions menacées par la famine et des investissements à long terme pour prévenir de futures crises alimentaires. Les gouvernements doivent également se montrer fermes sur le maintien de l'ouverture des marchés et se garder de toute mesure restrictive injustifiée sur les exportations de produits alimentaires et agricoles.
Espace civique
Alors que l'espace civique se réduit dans de nombreux pays du monde, le G20 devrait envoyer un signal, en reconnaissant l'importance de l'espace civique, notamment des questions telles que la participation, la transparence et la redevabilité, et créer un groupe de travail à part entière sur l'espace civique.
Nous espérons pouvoir compter sur votre leadership et sommes impatients de travailler avec votre équipe pour discuter de nos propositions.
Veuillez recevoir nos salutations distinguées,
Global Citizen et E3G