À l’issue des échéances électorales d’avril et juin dernier, les Français ont donc décidé de réélire, pour un second mandat, Emmanuel Macron. Situation inédite sous la Ve république, le président réélu n’a pas obtenu la majorité parlementaire lors des élections législatives de juin. Il lui faudra ainsi composer avec les différents groupes politiques qui siègent à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, plus que jamais, la superposition des crises auxquelles le monde fait face ne laisse guère de place à la perte de temps. 

La pandémie de COVID-19 n’est pas terminée, mais il semblerait déjà que « le monde d’après » ressemble étrangement au monde d’avant. Peut-être pas partout, sûrement pas pour tout le monde. En tout cas, les chiffres ne trompent pas, car d’après un rapport de la Banque mondiale, pour la première fois depuis plus de 20 ans, l'extrême pauvreté a augmenté. Conséquence directe de la pandémie, en 2021, 97 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans l'extrême pauvreté et vivent avec moins de 1,90 dollar par jour, une première depuis les années 90.


Tendance qui pourrait s'accélérer si la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine venait à s’éterniser. Avec 6 millions de réfugiés enregistrés à travers l’Europe, il s’agit aujourd’hui de la plus importante crise des réfugiés en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale. Au-delà des bilans humains, une autre crise, une crise alimentaire cette fois, voit le jour, comme l’a alerté le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres à la communauté internationale.


 « Nous devons faire tout notre possible pour éviter un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial », a déclaré le secrétaire général des Nations Unies. 


Grande absente de la campagne présidentielle, malgré qu’elle soit régulièrement citée comme première préoccupation des Français, la crise climatique ne pourra pas continuer d’être ignorée par les dirigeants politiques très longtemps. Les vagues de chaleurs en Europe et les dramatiques incendies qui ont ravagé plus de 20 000 hectares de forêts en France cet été ont rappelé aux Français que la crise climatique est bien là. Les experts du GIEC ont déjà qualifié de «  criminelle », l’inaction des dirigeants, et ont alerté l’humanité sur l’impact crucial qu'auront les trois prochaines années si nous voulons éviter les effets les plus dévastateurs du changement climatique. Des mesures concrètes et efficaces doivent être prises maintenant. 

De la crise climatique à la pandémie, en passant par la guerre en Ukraine et l’insécurité alimentaire, tous ces événements ont pour point commun d’être interconnectés. Il n’a jamais été aussi déterminant pour la communauté internationale de faire preuve de solidarité et de coopération si nous voulons relever les défis qui attendent l’humanité. 

Global Citizen a lancé cette année la campagne « Mettre fin à l’extrême pauvreté maintenant - notre futur ne peut pas attendre » pour appeler les citoyens du monde entier à faire pression sur leurs gouvernements pour prendre des actions immédiates dans trois domaines essentiels, qui requièrent une action urgente : soutenir les jeunes femmes et les adolescentes à travers le monde, faire tomber les barrières systémiques qui maintiennent les gens dans la pauvreté, prendre dès maintenant des mesures significatives en faveur du climat. 

La France, en tant que l’une des principales puissances économiques du monde et deuxième puissance économique au sein de l’Union européenne, membre du G7 et du G20, doit faire preuve de leadership sur les nombreux défis qui nous font face. Voici ce que Global Citizen attend de la France avant la fin de l’année en matière de solidarité internationale sur ces différents domaines : 

Soutenir les jeunes filles 

  • Pendant son premier mandat, Emmanuel Macron avait augmenté les financements pour l’éducation dans les pays pauvres et notamment des filles. Aujourd’hui il s’agit aussi pour la France de soutenir davantage les filles en zone de conflits. Education Cannot Wait, (ECW) le fonds mondial des Nations Unies, créé pour répondre aux besoins éducatifs des enfants et adolescents dans les situations d'urgence et de crises prolongées a besoin de 1,5 milliard de dollars au total pour les trois ans à venir afin de soutenir au moins 10 millions d’enfants et de jeunes dans au moins 25 pays.  Les filles confrontées à un conflit ont 2,5 fois plus de chances d'être déscolarisées que les garçons. Pourtant, l’éducation des filles sécurise leur avenir et les éloigne des mariages forcés, des tâches domestiques et de la violence. 

  • L’insécurité alimentaire touche particulièrement les filles et les femmes. Souvent premières responsables de nourrir la famille, les femmes s’assurant généralement que les autres ont mangé en premier. Selon les Nations Unies, 60 % des personnes sous-alimentées dans le monde sont des femmes. Pour agir face à la crise alimentaire croissante, exacerbée par la guerre en Ukraine, la France doit notamment :

  • Ouvrir des stocks de nourriture pour assurer la régularité et la stabilité de l'approvisionnement alimentaire mondial ;
  • Maintenir les quantités d'aide alimentaire destinées au Programme alimentaire mondial et autres ;
  • Empêcher des restrictions d'exportation susceptibles d'avoir un impact sur les pays importateurs nets ;  
  • Mettre en place des financements destinés à la Mission pour la résilience alimentaire et agricole (initiative FARM). En mars 2022, le Président de la République avait lancé cette initiative internationale afin de répondre à la crise alimentaire exacerbée par la guerre en Ukraine ; ce leadership est louable et nous en sommes reconnaissants. Maintenant, il est essentiel de passer des mots aux actes en investissant des fonds pour s'assurer que l’initiative atteigne son but. 
  • Investir dans des solutions à long terme pour prévenir les crises futures, notamment en investissant dans les petits exploitants agricoles et dans l'adaptation de l'agriculture par le biais de l'initiative de réponse aux crises du Fonds international du développement agricole, (FIDA), et du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI)

Urgence climatique

  • En tant que membre du G7 et du G20, la France doit contribuer à limiter le réchauffement climatique de la planète à 1,5 degré Celsius, en réduisant notamment ses émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national, d’au moins 65% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Historiquement, seuls 23 pays riches et développés sont responsables de la moitié des émissions totales de CO2 au cours des 170 dernières années. Ces pays ont presque complètement épuisé le bilan carbone mondial, c’est-à-dire le seuil d’émissions de dioxyde de carbone au-delà duquel il sera impossible de contenir le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius.

  • Augmenter sa contribution pour le financement climatique : uniquement un tiers des financements français pour le climat est consacré à des projets d’adaptation au changement climatique, bien en dessous de l’objectif des 50 % recommandé par l’ONU ; de plus la part de dons ne représente que 15% du total de sa contribution. Nous appelons donc la France à accroître le financement consacré à l’adaptation ainsi que d'augmenter la part des dons afin d’atteindre le 35% de l’enveloppe totale.

  • Fournir des ressources financières pour faire face aux « pertes et dommages », auxquels sont confrontées les communautés par les dégâts causés par les conséquences du changement climatique. Le coût économique des pertes et dommages pour les pays en développement est estimé entre 290 et 580 milliards de dollars par an, jusqu’à 2030.

  • Dans le contexte du G20, nous demandons également à la France de mettre fin à toutes les subventions destinées aux énergies fossiles. Plusieurs grands émetteurs de CO2 tels que les États-Unis, l’Australie, le Canada et l’UE ont dépensé plus en subventions destinées à des énergies fossiles qu’en financement climatique international en 2020. Pour cela, il est indispensable que la France et les autres grands émetteurs réinvestissent les subventions destinées à l’exploration, la production et la consommation d’énergies fossiles vers des sources d’énergie propre et la transition énergétique.


Santé Mondiale, COVID-19 et futures pandémies
  •  Jouer un rôle moteur auprès des autres pays développés pour le financement du centre de transfert technologique de l'ARNm basé en Afrique du Sud (35 millions de dollars supplémentaires sont nécessaires pour financer entièrement l'initiative) afin d'accroître le partage des technologies et la capacité de production locale et régionale de vaccins dans les pays du Sud. Tant qu’au moins 70% de la population mondiale n’aura pas accès aux outils pour lutter contre cette pandémie et celles à venir, la menace de nouveaux variants continuera de peser sur les populations du monde entier. Au début du mois de Juillet , 78,4% de personnes avaient reçu au moins une dose de vaccin au sein des pays à haut revenu contre seulement 19,4% dans les pays à bas revenu.

  • Faire preuve de leadership pour la levée temporaire des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins contre la COVID-19 faite auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin de permettre aux pays à faible revenu de produire localement les vaccins pour mettre fin à la pandémie.

  • Contribuer à hauteur de 1.6 milliards de dollars à la septième reconstitution des fonds du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Durant la dernière reconstitution des fonds, qui a eu lieu en 2019 à Lyon,  la France avait fait preuve de leadership en contribuant à hauteur de 1.2 milliards de dollars. Cette année, nous avons besoin encore une fois de ce leadership afin de collecter au moins 18 milliards de dollars, fonds estimés nécessaires pour sauver au moins 20 millions de vies, prévenir plus de 450 millions d’infections et réduire le nombre de décès dus à ces maladies. 

Faire tomber les barrières systémiques
  • Jouer un rôle moteur auprès des pays membres du G20 afin qu’ils s’engagent concrètement à réallouer leurs droits de tirage spéciaux et à les reverser à hauteur de 100 milliards de dollars aux pays les plus vulnérables. Nous demandons que cette réallocation soit effectuée par le biais de la Banque africaine de développement ou le Fonds international de développement agricole.

  • Respecter l’engagement, inscrit dans la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l’aide public au développement (APD) d’ici 2025. Si tous les pays donateurs avaient respecté leur engagement d’allouer 0,7 % de leurs RNB à l’APD, les pays plus pauvres auraient dû recevoir plus de 4 800 milliards d’euros, a calculé l’ONG Oxfam dans un rapport.

  • Oeuvrer à un accord d'ici à la fin de l’année afin d'explorer de nouvelles sources de recettes à utiliser pour lutter contre l'extrême pauvreté. À titre d’exemple, la France est le seul pays au monde à allouer une partie des recettes de sa taxe sur la transition financière à la solidarité internationale ; pour cela, nous demandons qu’elle montre l’exemple et qu’elle se fasse le chef de file d’une taxe, comme celle sur les transactions financières, pour la solidarité internationale au niveau européen.

Défendre le plaidoyer
  • Mettre en place un système de visa humanitaire temporaire d'ici la fin de l'année 2023, qui protège les défenseurs des droits humains en grand danger en leur fournissant des visas de six mois délivrés rapidement. En 2020, 331 défenseurs des droits humains ont été tués dans 25 pays distincts, et en 2021, se sont 358 défenseurs qui ont été assassinés dans 35 pays. Les défenseurs souffrent également de menaces, d’attaques physiques et en ligne, d’intimidation, de diffamation, de criminalisation et d’autres formes de harcèlement. Défendre les défenseurs des droits humains signifie défendre notre liberté et celle des autres, pour cela nous devons agir MAINTENANT afin de protéger ceux qui nous protègent. 

  • Fournir 5 millions de dollars US pour protéger les activistes et les organisations menacées ou attaquées qui militent pour un monde plus équitable, en soutenant Freedom House, Front Line Defenders et ALLIED, pour aider à garder les défenseurs en sécurité afin qu'ils puissent poursuivre leur important travail.

Advocacy

Exiger l’équité

Ce que Global Citizen attend de la France en matière de solidarité internationale

Par Antoine Le Seigle