Le 9 juin, la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, a lancé la politique d’aide internationale féministe du Canada.

La nouvelle politique comprend plusieurs aspects importants : l’égalité entre les sexes et le renforcement du pouvoir des femmes et des filles; la dignité humaine; la croissance au service de tous; l’environnement et l’action pour le climat; la gouvernance inclusive; la paix et la sécurité et un programme sur la voix et le leadership des femmes.

Lorsque les femmes et les filles se voient offrir des chances égales de réussir, elles peuvent être de puissants agents du changement, c’est-à-dire stimuler une croissance économique plus forte, encourager la paix et une meilleure coopération et améliorer la qualité de vie de leurs familles et de leurs collectivités, selon la politique.

Bref, quand les femmes et les filles réussissent, tout le monde réussit.

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Avec cette politique, le Canada appuiera des initiatives qui amélioreront la protection et la promotion des droits fondamentaux des femmes et des filles; contribueront à une participation accrue des femmes et des filles aux prises des décisions au même titre que les hommes (particulièrement quand il s’agira d’instaurer un développement et une paix durables); et donneront aux femmes et aux filles un accès et un contrôle plus équitables en ce qui concerne les ressources dont elles ont besoin pour assurer une égalité sociale et économique continue.

Afin d’appuyer le Programme sur la voix et le leadership des femmes, le gouvernement du Canada consacrera 150 millions de dollars sur cinq ans pour répondre aux besoins des organisations locales de femmes dans les pays en développement qui travaillent pour promouvoir les droits des femmes et des filles, ainsi que l’égalité de sexes.

Il ne fait aucun doute : cette politique est importante pour les femmes et les filles à travers le monde. C’est un engagement audacieux qui place les femmes et les filles au cœur de l'assistance internationale.

Cependant, la politique n'est pas parfaite : elle manque un financement supplémentaire du gouvernement et il reste à voir quels programmes vont être sacrifiés pour financer celle-ci.

Les dépenses du Canada en matière d’aide au développement se situent à un niveau presque plus bas que jamais. À un peu moins de 5 milliards de dollars, le pays se trouve en 18e place dans le rang mondial, selon l'Organisation de coopération et de développement économique (l’OCDE).

Le budget laisse à désirer sur d’autres fronts — l'objectif des Nations Unies pour les pays développés est que 0,7 % du PIB soit consacrée à l’aide au développement, le Canada en est bien loin avec un ratio de 0,26 % en 2016, selon l’OCDE.

En plus, le ministre de défense Harjit Sajjan vient d’annoncer une augmentation de 13,9 milliards de dollars au financement militaire canadien.

« La juxtaposition d’une augmentation de 70 % pour le budget de la défense avec une augmentation recommandée de zéro % pour le budget de développement est simplement étourdissant », a dit Stuart Hickox, chef du groupe Oneselon la Presse canadienne.

Le budget de l'aide au développement est critiqué de tous les côtés de l'échiquier politique — l’image du premier ministre comme un esprit ouvert n’a pas résulté dans une augmentation du budget de l’aide au développement.

Cela étant dit, cette politique ne doit pas être ignorée.

« C’est drôle qu’un commentaire au sujet d’une politique si audacieuse soit ‘Qu’il n’y a pas d’argent, dit Nancy Peckford, directrice exécutive d'À voix égales. La critique monétaire a dominé et par conséquent, nous avons passé moins de temps à discuter ce qu’il veut dire [d’avoir cette politique] ».

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Ce n’est pas la première fois que Trudeau a tenté de prioriser l’égalité des sexes. Il a nommé un cabinet paritaire, il s’est identifié comme féministe et il a contribué 650 millions de dollars à la santé et aux droits sexuels et reproductifs depuis son arrivée au pouvoir.

Même sans financement supplémentaire, cette politique a le pouvoir de réaliser des objectifs spectaculaires pour les femmes à travers le monde.

« Je pense que Premier ministre Trudeau est dans une bonne position pour encourager d'autres gouvernements à suivre cette voie. Le Canada ne devrait pas être l'exception, a déclaré Peckford. Si une masse de pays dans le monde adoptait une politique comme celle-ci, je pense que l'effet multiplicateur serait considérable ».

Peckford crédite le cabinet paritaire de Trudeau en tant qu’élément clé dans la création de cette politique.

« Ministre Bibeau profite d'une grande latitude pour montrer le leadership féministe, a déclaré Peckford. Les femmes au Canada le remarque également — beaucoup d'entre elles sont investies dans le succès de Bibeau ».

Elle croit qu'il est maintenant plus probable que les membres du gouvernement acceptent une analyse axée sur les femmes dans les affaires gouvernementales. Par conséquence, des politiques comme celle-ci sont en cours de création.

Lauren Ravon, directrice des politiques et des campagnes d'Oxfam Canada, pense également que cette politique est un pas dans la bonne direction.

Ravon a critiqué le dévouement du gouvernement à l'autonomisation des femmes dans le passé.

Le 6 mars, Oxfam Canada a publié une carte de points féministe qui a examiné les mesures prises par le gouvernement pour promouvoir les droits des femmes et l'égalité des sexes.

À ce moment, les scores étaient faibles — Oxfam a révélé que le gouvernement avait peu progressé dans toutes catégories sauf pour celle de la représentation et le leadership.

Mais Ravon dit que grâce à cette nouvelle politique, ainsi que d’autres décisions prises dans le budget 2017, les points sur la carte ont augmenté.

« L'argent est certainement important, dit-elle. Mais il ne faut pas sous-estimer la politique et sa direction ».

Ravon dit qu’un aide solide qui est plus ciblé aux personnes les plus à risque est important, même s'il n'y a pas de financement supplémentaire.

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Selon la politique : « D'ici 5 ans, les investissements dans les programmes qui vont cibler spécifiquement l'égalité entre les sexes et le renforcement du pouvoir des femmes représenteront 15 % de la contribution canadienne de 2,6 milliards de dollars en aide bilatérale au développement, comparativement à 2 % en 2015-2016. »

Ravon dit que ce 15 % est un engagement important. Peckford a également souligné que la contribution de 150 millions de dollars pour le Programme sur la voix et le leadership des femmes était essentielle.

« C’est nécessaire que les fonds soient réservés de cette manière pour les organisations de femmes, a déclaré Peckford. Il s'agit vraiment de promouvoir l'accès des femmes au pouvoir et aux opportunités de leadership ».

Ravon a ajouté qu'il faudra définir qu’est-ce qu’on considère comme projet de droits des femmes qui mérite des fonds.

« Soyons clairs sur ce qui est et ce qui n'est pas transformatrice », a-t-elle déclaré.

La politique souligne des champs d’action qui priorisent une approche féministe envers l'assistance internationale, l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes et des filles.

« La politique est la première étape et la mise en œuvre est la vraie affaire », dit Ravon, en regardant vers l'avenir. Peckford croit également que le gouvernement met en place un cadre avant le financement.

« Nous voulons tous plus d'argent, dit-elle. Mais je pense, grâce à ce que je comprends maintenant, que la façon dont les fonds sont dépensés et où ils sont dépensés est importante ».

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