Comment une journaliste a utilisé ses compétences pour persuader les réticents aux vaccins au Nigéria

Auteur: Jacky Habib

KC Nwakalor for Global Citizen.

Pourquoi les Global Citizens doivent s’en préoccuper
L’Objectif mondial n°3 des Nations Unies vise à s’assurer que tous les êtres humains, où qu’ils soient dans le monde, aient accès à la santé et au bien-être. La polio, qui est une maladie potentiellement mortelle, peut être prévenue par un vaccin, qui constitue un outil important pour préserver la santé publique. Rejoignez Global Citizen et passez à l’action sur cet enjeu et d’autres ici.

Lorsque la mère de Moji Makanjuola a vécu un grave accident de la route au Nigéria, elle s’est dit qu’elle avait de la chance de ne pas avoir souffert de blessures graves. 

Autour d’elle, certaines personnes étaient inconscientes ou blessées sérieusement et les secouristes se sont précipités pour traiter les cas les plus urgents. 

Mais quelques heures plus tard, elle est décédée en raison de saignements internes. 

« Les médecins ont affirmé que s’ils avaient eu l’équipement nécessaire pour détecter sa condition, elle serait probablement encore en vie, a raconté Moji Makanjuola à Global Citizen . Je perdais une amie et une confidente, Nous étions extrêmement proches, ma mère et moi. »

Aujourd’hui âgée de 64 ans, Mme Makanjuola, qui avait alors 27 ans, travaillait comme journaliste et présentatrice de télévision et a alors décidé d’orienter sa carrière de journaliste dans le domaine de la santé.

« Je n’ai pas de regret, dit-elle. Parler de santé est devenu ma passion, parce qu'en diffusant une information pertinente, je pouvais sauver des vies. » 

Moji Makanjuola during a voice-over session at her studio in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Moji Makanjuola during a voice-over session at her studio in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Image: KC Nwakalor for Global Citizen

Elle a travaillé pendant trois décennies comme journaliste en santé et s’est intéressée à la lutte pour l’éradication de la poliomyélite au Nigéria suite à un  article publié en 1996 dans lequel elle traitait de l’engagement du pays à éradiquer cette maladie. Ceci constitue un moment fort de sa carrière.

La polio est une maladie mortelle qui affecte les enfants de moins de cinq ans. S’il n’y a aucun traitement curatif, on dispose maintenant d’un vaccin extrêmement efficace qui a pratiquement permis d’éradiquer cette maladie à l’échelle mondiale. 

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le Nigéria comptait en 2012 plus de la moitié de tous les cas de polio dans le monde. 

Mme Makanjuola, qui a parcouru le pays pour couvrir les campagnes de vaccination contre la polio, affirme que cette expérience l’a aidée à comprendre le système de santé de son pays.

Dans un effort pour éliminer la maladie, plus de 200 000 bénévoles nigérians ont immunisé plus de 45 millions d’enfants de moins de cinq ans lors de diverses campagnes de vaccination.

Moji Makanjuola shows off some of her career awards and certifications at her office in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Moji Makanjuola shows off some of her career awards and certifications at her office in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Image: KC Nwakalor for Global Citizen

Parce qu’elle est une personnalité connue dans tout le pays, Mme Makanjuola est vue comme une experte reconnue en matière de santé et on sollicite fréquemment son avis personnel sur la vaccination contre la polio. 

« Des gens m’appellent Dr Moji, mais je leur réponds que je ne suis que journaliste. J’ai étudié en communication de masse et journalisme. Mais les gens continuent de m’appeler Dr Moji », dit-elle.

La journaliste s’intéresse principalement à la situation au nord du pays, où les opposants à la vaccination sont plus nombreux. Mme Makanjuola, de confession chrétienne, porte le voile et une longue robe lorsqu’elle se rend dans cette région afin de gagner la confiance de la population majoritairement musulmane. Sa capacité à parler le Hausa, la langue locale, l’aide à communiquer avec les gens et à comprendre leurs hésitations envers la vaccination. 

Elle raconte que lorsque les bénévoles responsables de la vaccination allaient de porte en porte, le défi était immense. Sur 10 maisons visitées, dit-elle, sept refermaient immédiatement la porte.

Plus tard, lorsqu’elle a commencé à accompagner les bénévoles et qu’elle s’adressait au public dans la langue Hausa, ceux-ci étaient plus réceptifs et la croyaient. 

« Parfois, dit-elle, il faut cesser d’être une simple journaliste et prendre position afin que les enfants ne souffrent plus de la polio. J’ai le cœur brisé chaque fois que je parle de ces enfants qui souffrent parce que leurs parents refusent la vaccination. »

Mme Makanjuloa souligne qu’à l’époque, une théorie du complot populaire circulait. Elle affirmait que le vaccin contre la polio causait l’infertilité et que les campagnes de vaccination étaient en fait une conspiration des services de planification familiale pour éliminer les musulmans du pays.  

Moji Makanjuola

Moji Makanjuola
Photo by KC Nwakalor

Moji Makanjuola

Moji Makanjuola
Photo by KC Nwakalor

Moji Makanjuola

Moji Makanjuola
Photo by KC Nwakalor

Le gouvernement nigérian et ses partenaires du milieu de la santé ont travaillé dans le but de contrer cette théorie en tentant de gagner la confiance des leaders traditionnels et religieux dans les mosquées. 

Mme Makanjuola quant à elle a utilisé sa plateforme pour tenter de convaincre les gens et de contrer ces croyances. 

« Nous avons sillonné le pays, les laboratoires et [nous] avons publié nos histoires pour convaincre les gens de l’efficacité du vaccin contre la polio », poursuit-elle.

Lentement, mais sûrement, les mentalités ont changé.

Les reportages télévisés montraient les leaders nigérians en visite en Indonésie, pays qui compte la plus importante population musulmane au monde, et où le dernier cas de polio remonte à 2006. Mme Makanjuola souligne que les gens sont de plus en plus réceptifs à la vaccination.

Le Nigéria, qui ne rapporte aucun cas de polio depuis 2016, a été reconnu comme un territoire où la polio est absente en août 2020.

Mais Mme Makanjuola souligne que le pays doit encore renforcer ses infrastructures de santé et accroître la sensibilisation du public sur les enjeux sanitaires. L’actuelle pandémie de COVID-19 met en évidence ces besoins.

« Les gens sont encore sceptiques face au coronavirus, poursuit-elle. Plusieurs personnes affirment qu’elles n’ont pas besoin de porter le masque, car Jésus les protège. »

Moji Makanjuola interacts with some of her staff at her studio in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Moji Makanjuola interacts with some of her staff at her studio in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Image: KC Nwakalor for Global Citizen

Maintenant à la retraite, Mme Makanjuola continue d’être une militante passionnée par les enjeux de santé et croit au pouvoir des médias pour faire avancer les choses. Elle a fondé l’International Society of Media in Public Health, qui se sert des médias pour informer la population nigériane sur les questions de santé.

L’organisme soutient les jeunes générations de journalistes dans le domaine de la santé. Elle les aide à s’informer, à développer leurs compétences et leurs contacts pour qu’ils puissent, comme journalistes, exiger des comptes des autorités en place afin qu’elles tiennent leurs promesses et réalisent les investissements requis dans le domaine de la santé. 

Tout comme lorsqu’elle était journaliste, Mme Makanjuola reçoit toujours les appels des dirigeants du gouvernement pour qu’elle soutienne leurs campagnes de santé publique. Aujourd’hui, lorsqu’elle encourage les gens à se faire vacciner, elle mentionne toujours que ses propres petits-enfants ont reçu le vaccin, espérant ainsi convaincre les récalcitrants. 

Au cours des récentes années, elle a participé à de nombreuses émissions de télévision et événements publics pour parler des divers enjeux de santé. Et elle n’a pas l’intention de s’arrêter.  

« Souvent, conclut-elle, je me dis qu’il est temps que je ralentisse. Puis, je vois un documentaire, ou une pandémie survient. Alors je me dis que tant que j’aurai la santé et l’énergie, je continuerai à militer. »

Moji Makanjuola poses for a portrait at her office in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Moji Makanjuola poses for a portrait at her office in Garki, Abuja, Nigeria on Dec. 16, 2020.
Image: KC Nwakalor for Global Citizen.


Si l’année 2020 nous enseigne quelque chose sur la santé mondiale, c’est bien l’importance de la vaccination. « World's Best Shot » est une série de témoignages de gens qui se dévouent corps et âme pour faciliter la vaccination partout dans le monde.

Note : Cette série de témoignages a été rendue possible grâce au financement de la Fondation Bill et Melinda Gates, un partenaire de Global Citizen. Chaque article a été produit en toute indépendance éditoriale.