Lorsqu’il s’agit de tuberculose (TB), ce sont les hommes et les garçons qui subissent le plus lourd fardeau de la maladie, puisqu’ils représentent 64 % de tous les cas de TB en 2020. Mais cette seule statistique ne rend pas compte des conséquences générales de la maladie.

La tuberculose, causée par des bactéries qui affectent le plus souvent les poumons, est la deuxième cause de mortalité infectieuse après la COVID-19. En 2020, on estime que 10 millions de personnes sont tombées malades de la tuberculose dans le monde et que 1,5 million de personnes sont décédées des suites de cette maladie. Alors que les hommes sont près de deux fois plus susceptibles d’être infectés par la tuberculose que les femmes, ces dernières sont plus susceptibles d’être confrontées à une stigmatisation potentiellement mortelle du fait de leur contamination.

« Les femmes ont besoin d’un soutien adapté », a déclaré à Global Citizen Amrita Daftary, chercheuse en santé mondiale dans les domaines social et comportemental à l’université de York. « Nous sommes à un stade où nous savons quels sont les défis à relever en ce qui concerne les femmes, la stigmatisation et la tuberculose. Nous devons maintenant passer à l’action. »

La stigmatisation associée à la tuberculose décourage les gens de chercher des services de dépistage, de traitement et de prévention, ce qui peut ensuite entraîner un risque plus élevé de résultats graves. Même si tout le monde peut être infecté par la tuberculose, les femmes sont touchées de manière disproportionnée par la stigmatisation liée à la tuberculose. Cela s’explique en partie par le fait qu’il est toujours plus facile de stigmatiser les personnes déjà marginalisées », a déclaré Amrita Daftary.

Lorsque les femmes sont stigmatisées pour avoir contractée la tuberculose, elles peuvent être rejetées du foyer, être séparées de leurs enfants, perdre leur emploi, subir des injures et des violences, explique Amrita Daftary, qui étudie la stigmatisation liée à la tuberculose depuis 2004. La stigmatisation se manifeste également de manière moins évidente, par exemple par le manque d’aide ou de soutien de la part des proches et par la pression exercée avec le fait de vivre avec la maladie dans le secret

Le système de soins de santé peut également contribuer à la stigmatisation en diffusant des messages qui déclenchent la peur chez les femmes. Plutôt que d’entendre une histoire de guérison, on dit aux femmes qu’elles sont un vecteur de maladie et qu’elles doivent rester isolées des autres, y compris de leurs propres enfants.

« Cela ne veut pas dire que les hommes ou d’autres groupes de personnes ne vivent pas les mêmes choses, mais l’intensité et la facilité avec lesquelles ces actes stigmatisants sont pratiqués sont bien supérieures pour les femmes », a expliqué la chercheuse en santé mondiale.

En Inde, où la valeur d’une femme peut être liée à son statut d’épouse et de mère, une infection tuberculeuse peut priver une femme de cette identité centrale en ruinant ses perspectives de mariage. En Afrique du Sud, où la co-infection VIH-TB est prévalente, les femmes infectées par la tuberculose peuvent être confrontées à la stigmatisation liée au VIH.

La crainte d’être stigmatisé peut empêcher les individus de solliciter des services de dépistage, des traitements et des services de prévention. Mais la stigmatisation, qui vient s’ajouter aux inégalités existantes entre les genres, peut également conduire à un moindre accès à ces services pour les femmes. 

« Le genre joue un rôle central dans l’accès aux services de santé et aux traitements, et la tuberculose n’est pas différente », a déclaré à Global Citizen Phinah Kodisang, PDG de Soul City Institute of Social Justice, une organisation féministe intersectionnelle basée en Afrique du Sud. « Le manque d’égalité et d’équité entre les genres exacerbe les cas cachés de femmes atteintes de tuberculose. »

Les femmes sans emploi peuvent être empêchées de recevoir des soins en temps voulu en raison de limitations financières. Les femmes peuvent également être confrontées à des diagnostics retardés et à un service plus lent dans les établissements de soins de santé en raison d’une stigmatisation accrue. Les filles et les femmes peuvent courir un risque plus élevé d’être infectées car elles sont généralement chargées de s’occuper des membres malades de la famille.

Kodisang note également que, puisque les jeunes femmes sont plus exposées au risque d’infection par le VIH que leurs homologues masculins, elles sont également confrontées à un risque plus élevé d’infection par la tuberculose dans les pays où la prévalence du VIH est élevée.

Au cours de la dernière décennie, la lutte contre la tuberculose a fait des progrès dans la prise en compte et l’identification des facteurs sexospécifiques. Mais les programmes de lutte contre la tuberculose continuent d’utiliser une approche standardisée - tout le monde reçoit le même traitement ou médicament et est suivi de la même manière. Le problème est le suivant : « Nous sommes hétérogènes et nous avons besoin d’un soutien adapté », selon Amrita Daftary.

L’intégration des services de lutte contre la tuberculose aux autres services de santé reproductive, maternelle et infantile peut faciliter l’accès des femmes aux soins. Former les professionnels de la santé afin qu’ils abandonnent un discours culpabilisant au profit de messages axés sur la guérison et le rétablissement peut atténuer la stigmatisation qui vise principalement les femmes. La formation sur des questions pratiques telles

que la façon de parler de la tuberculose à sa famille et comment faire face aux effets secondaires potentiels qui pourraient susciter la stigmatisation est une autre mesure importante.

Mais des fonds supplémentaires sont nécessaires pour lutter contre la stigmatisation liée à la tuberculose et mettre en œuvre des approches différenciées. La pandémie de COVID-19 a détourné des ressources de la lutte contre la tuberculose. Selon le partenariat Halte à la tuberculose, les fonds alloués à la lutte mondiale contre la tuberculose ne représentent que la moitié de ce qui est nécessaire

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme tiendra sa septième reconstitution dans le courant du mois. Ce sera l’occasion pour les pays de réinvestir dans la lutte contre la tuberculose et de remettre le monde sur la voie de la fin de l’épidémie.

Au-delà du soutien financier, les donateurs devront également tenir les programmes responsables des mesures prises pour réduire la stigmatisation.

« En toute franchise, la stigmatisation n’est même pas sur la table des discussions actuellement », a déclaré Amrita Daftary. « La priorité numéro un est la non propagation. La priorité numéro deux est de guérir le patient. Mais si vous parvenez à normaliser la tuberculose, les gens iront se faire dépister, se rendront dans les établissements de santé et accepteront leurs traitements. »

Editorial

Vaincre la pauvreté

La tuberculose touche plus d'hommes dans le monde mais les femmes en subissent davantage l'impact social

Par Kristine Liao