Par Philippe Douste-Blazy, ancien ministre des Affaires étrangères et Secrétaire général adjoint des Nations Unies, et Guillaume Grosso, directeur général chargé des politiques internationales pour l’ONG Global Citizen


La variole, qui faisait des ravages jusque dans les années 1980, a pu être éradiquée grâce à un vaccin déployé à l’échelle planétaire. La poliomyélite, maladie meurtrière et très handicapante, est sur le point de l’être à son tour. Et l’espoir est grand que la combinaison de nouveaux vaccins avec de prometteurs antimoustiques permettent dans un futur proche de porter un coup décisif au paludisme.

Ce mercredi 25 juin, les gouvernements du monde entier se donnent rendez-vous à Bruxelles, sous l’égide de l’Union européenne, pour décider ensemble du soutien qu’ils accorderont à un objectif international ambitieux – protéger 500 millions d’enfants dans les pays les plus pauvres contre une douzaine de maladies évitables d’ici 2030, tout en permettant à 50 millions de personnes d’accéder à la vaccination antipaludique. La réussite ou l’échec de ce sommet sont suspendus aux investissements que la France et ses partenaires seront prêts à accorder à Gavi, l’organisation intergouvernementale qui doit mettre en œuvre ce programme.

Or, à quelques jours de cette rencontre cruciale, la position qui sera défendue par le Président français et le gouvernement de François Bayrou à ce sommet demeure inconnue.

La cause devrait pourtant être entendue – la résurgence des épidémies sur le sol français, comme le Chigungunya ce printemps, est là pour nous rappeler que les virus, contrairement aux accords commerciaux, ne connaissent aucune frontière.  L’objectif, quant à lui, est parfaitement réaliste. Loin d’être une promesse ésotérique, le cap d’un demi-milliard d’enfants protégés d’ici 2030 s’appuie sur des antécédents solides : Gavi a déjà permis d’immuniser plus d’un milliard d’entre eux depuis sa création en l’an 2000. C’est aussi la promesse d’une économie mondiale plus forte : les experts estiment que la réussite de ce programme générerait 100 milliards de dollars de richesses supplémentaires.

D’ailleurs, la France a depuis longtemps compris l’intérêt d’investir, aux côtés de ses partenaires européens et internationaux, dans le système sanitaire international. Elle y occupe jusqu’ici une place de chef de file, ayant su créer ou appuyer judicieusement des partenariats mondiaux capables de changer la donne à grande échelle comme le Fonds mondial de lutte contre le sida. Elle a été courageusement pionnière en jetant les bases de micro-taxes mondiales de solidarité comme celle sur les billets d’avion, au départ d’Unitaid, et sur les transactions financières. Enfin, elle a grandement participé à la création Gavi, « l’Alliance du vaccin ».  Ainsi, l’engagement pour Gavi est un acte qui s’inscrit dans un héritage politique rare de plus de 20 ans, qui a vu Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron et leurs gouvernements respectifs renforcer chacun le rôle et l’action de la France sur la scène internationale.

En juin dernier, le Président de la République accueillait lui-même les pays du monde entier au Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales, appelant les leaders internationaux à souscrire à ce même effort international de vaccination dans les pays les plus démunis. Dans le contexte de ce Forum, le Président Macron déclarait : « Ensemble, nous avons tiré les leçons de la période difficile de la COVID-19. Nous avons compris qu’il est indispensable de défendre la vaccination à l’échelle mondiale si nous voulons éviter que les virus ne se propagent. ». 

A l’heure où les gouvernements mondiaux, répondant à l’appel présidentiel, convergent vers Bruxelles, il est temps que notre pays sorte de son silence et confirme son engagement. Il ne s’agira pas là d’un simple acte de générosité, mais de l’un des investissements les plus rentables et responsables pour l’avenir de la France et du monde.

Opinion

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