Rencontre avec un médecin qui utilise Twitter pour faciliter l'accès aux soins de santé en Tanzanie

Auteur: Jacky Habib

Sam Vox for Global Citizen

Pourquoi les Global Citizens doivent s'en préoccuper
L'objectif mondial n°3 des Nations Unies vise à garantir à chacun, partout, l'accès à la santé et au bien-être. En assurant un accès équitable aux mesures préventives, aux traitements et à l'information, nous pouvons contribuer à l'élimination des maladies tropicales négligées, qui touchent plus d'un milliard de personnes dans le monde. Rejoignez Global Citizen pour passer à l'action sur ce sujet et bien plus encore ici.

À l'âge de 7 ans, Joachim Mabula quittait furtivement la maison de ses parents pour aller nager avec des amis dans une crique locale de sa ville natale de Kahama, dans le nord-ouest de la Tanzanie.

Ses parents lui ayant confié qu'ils craignaient qu'il ne se noie, il était toujours très discret.

Mais après des mois de ces escapades à première vue innocentes, il a commencé à remarquer du sang dans ses urines.

« Il a fallu du temps pour expliquer ce problème à mes parents car ils ont toujours été très stricts avec nous sur le fait de ne jamais nager dans les barrages », a-t-il déclaré à Global Citizen.

Mais peu après l'avoir annoncé à ses parents et suite à une visite chez le médecin, le jeune garçon a appris qu'il était atteint de schistosomiase chronique. Cette maladie, également connue sous le nom de bilharziose, est causée par un ver parasite qui vit dans l'eau douce des régions tropicales et subtropicales, et est considérée comme l'une des nombreuses maladies tropicales négligées (MTN).

La schistosomiase peut être soignée au moyen d'un traitement médicamenteux de courte durée qui tue les vers en question. Après avoir suivi le traitement, Joachim Mabula a évité de nager pendant quelques mois, mais il a fini par revenir, et les vers aussi.

« J'ai eu cette [infection] plusieurs fois, a-t-il déclaré. Quand vous étiez guéri, vous l'oubliiez et cela se reproduisait. »

Dr. Joachim Mabula uses his telephone outside of his home in Tanga, Tanzania on Dec. 5, 2020.
Joachim Mabula uses his telephone outside of his home in Tanga, Tanzania on Dec. 5, 2020.
Image: Sam Vox for Global Citizen

Des décennies plus tard, le jeune homme est devenu un défenseur de la santé qui travaille sur la lutte contre les MTN en Tanzanie. Ce médecin de 32 ans fait partie du conseil consultatif de Youth Combating NTDs et s'efforce de sensibiliser la population tanzanienne à l'impact de ces maladies. 

Après avoir obtenu son diplôme de médecine en 2012, il a rapidement cherché des moyens d'influencer la santé publique. Il a commencé à écrire une chronique hebdomadaire sur la santé dans le Mwananchi, le journal le plus lu de Tanzanie, et a fréquemment passé du temps sur des forums populaires, pour diffuser des informations sur la santé et répondre aux questions des internautes. 

M. Mabula s'est rendu compte que les Tanzaniens avaient un immense appétit pour les informations liées à la santé.

« Lorsque vous allez sur Internet ou à la bibliothèque, vous obtenez très peu d'informations en swahili, a-t-il déclaré. En Europe, en Suède, en Finlande, ils ont [une petite population] mais ils ont [encore] beaucoup d'informations dans leur propre langue. »

Son objectif est de traduire autant d'informations sur la santé que possible pour les plus de 100 millions de personnes qui parlent le swahili dans le monde, un chiffre nettement supérieur à celui des personnes qui parlent l'italien ou le tagalog, l'une des langues les plus courantes aux Philippines. M. Mabula passe souvent le samedi matin à organiser des discussions en ligne sur la santé, auxquelles participent chaque semaine un million de personnes. Il affirme que c'est toujours le sujet le plus populaire du pays sur Twitter le samedi.

Joachim Mabula works on his computer at home in Tanga, Tanzania on Dec. 5, 2020. From creating a medical dictionary to diagnosing people through Twitter, Mabula is making health information accessible for the 100 million Swahili speakers in East Africa.
Joachim Mabula works on his computer at home in Tanga, Tanzania on Dec. 5, 2020. From creating a medical dictionary to diagnosing people through Twitter, Mabula is making health information accessible for the 100 million Swahili speakers in East Africa.
Image: Sam Vox for Global Citizen

Lorsqu'il a entendu parler d'un groupe de volontaires qui était chargé d'ajouter des articles Wikipédia en swahili, il a tenu à s'impliquer. Très vite, il a commencé à traduire en swahili les informations du site de l'Organisation mondiale de la santé sur Wikipédia. 

« Je suis passionné par l'ajout d'informations sur la santé sur Wikipédia car c'est une plateforme que beaucoup de gens utilisent. Lorsqu'ils font une recherche en ligne, cette [page Wikipédia] apparaît en premier », a-t-il expliqué. 

Pendant des années, M. Mabula a contacté des chercheurs en Tanzanie pour leur proposer de traduire leurs travaux en termes simples afin qu'ils soient accessibles à un public plus large. Bien que l'idée ait été bien accueillie, personne n'y a jamais donné suite, un problème qu'il attribue à la bureaucratie.

Il a donc pris les choses en main.

En 2017, alors qu'il travaillait comme médecin généraliste dans un centre de santé publique à Tanga, la ville côtière où il vit aujourd'hui, il a fondé Tiba Faster (un terme qui signifie « traitement plus rapide » en swahili). Il s'agit d'une plateforme en ligne qui fournit des informations simples sur la santé en swahili.

Joachim Mabula walks in Tanga, the coastal city where he now lives, on Dec. 5, 2020. In 2017, while working as a general practitioner at a public health centre, Mabula founded Tiba Faster, an online platform providing simple health information in Swhaili.
Joachim Mabula walks in Tanga, the coastal city where he now lives, on Dec. 5, 2020. In 2017, while working as a general practitioner at a public health centre, Mabula founded Tiba Faster, an online platform providing simple health information in Swhaili.
Image: Sam Vox for Global Citizen

Le jeune médecin, qui compte plus de 300 000 abonnés sur Twitter, est devenu une référence pour les Tanzaniens à la recherche de conseils en matière de santé. Chaque jour, il reçoit des messages de demandes de conseils sur les réseaux sociaux et il est souvent identifié sur les photos des personnes qui cherchent à obtenir un diagnostic. Si la plupart de ses interlocuteurs se trouvent en milieu urbain, il arrive qu'ils demandent conseil pour des proches qui vivent en milieu rural et qui sont privés d'accès aux soins médicaux. 

« D'autres sont allés jusqu'à l'hôpital, mais ils veulent obtenir plus d'informations sur leur état de santé, a-t-il ajouté, en précisant qu'ils ont pu se sentir précipités en se rendant dans un établissement de santé. Ils m'interpellent : “Je suis allé à l'hôpital. Quelle est cette maladie ? Ce médicament me convient-il ?” »

Les messages peuvent être accablants, a déclaré M. Mabula, qui fait tout cela sur une base volontaire.

« Parfois, c'est stressant parce que certaines personnes veulent obtenir des informations si rapidement et je suis occupé avec ma propre vie. Les gens se plaignent [en disant] : "Je lui ai envoyé un message le matin et il m'a répondu le lendemain." »

Le médecin, qui a quitté son cabinet l'année dernière pour se consacrer à plein temps à Tiba Fasta, travaille actuellement à la création d'un dictionnaire médical en swahili. Selon lui, la version existante n'est pas complète.

Le processus consiste à consulter une institution gouvernementale pour déterminer si un mot swahili existe déjà pour désigner le terme médical anglais. Si ce n'est pas le cas, il collabore à la création d'un nouveau mot ou d'une expression adéquate.

Ce travail de pionnier est un défi, mais il estime qu'il est important.

« Il a été négligé pendant longtemps, a déclaré M. Mabula. Les gens ont besoin d'obtenir des informations correctes dans leur propre langue ... afin de pouvoir prendre des décisions en connaissance de cause. »

Joachim Mabula poses for a portrait at his home on Dec. 5, 2020 in Tanga, Tanzania.
Joachim Mabula poses for a portrait at his home on Dec. 5, 2020 in Tanga, Tanzania.
Image: Sam Vox for Global Citizen


« The Last Milers » est une série de portraits qui met en lumière les personnes qui luttent contre les maladies tropicales négligées (MTN), qui touchent plus d'un milliard de personnes dans le monde. En s'efforçant de garantir un accès équitable aux traitements, aux mesures préventives et à l'information, ces personnes soutiennent l'élimination des maladies tropicales négligées de diverses manières, dans différents domaines. Elles aspirent à fournir les outils et les services de soins de santé nécessaires à chaque étape du processus, coûte que coûte.

Note : Cette série de témoignages a été rendue possible grâce au financement de la Fondation Bill et Melinda Gates, un partenaire de Global Citizen. Chaque article a été produit en toute indépendance éditoriale.