Pourquoi les Global Citizens doivent s’en préoccuper
Safia Ibrahim est une Canadienne qui milite pour la vaccination tant ici au pays que partout dans le monde et qui soutient le 3e objectif mondial sur la santé et le bien-être de tous. Joignez-vous à nous et passez à l’action dès maintenant en demandant aux leaders du monde d’investir dans la vaccination.

Je suis aujourd’hui privilégiée par la vie, mais ça n’a pas toujours été le cas. 

Comme bébé, je vivais en Somalie et j’ai contracté le virus de la polio, une maladie hautement infectieuse qui a attaqué mon cerveau et m’a laissée partiellement paralysée aux membres inférieurs. 

Mais je n’ai jamais été du genre à baisser les bras. Je me suis fait une carapace, j’ai adopté une approche combative face à tout ce que la vie me réservait et j’ai toujours conservé cette attitude.

Nous avons parcouru un long chemin dans notre lutte contre la polio. Avant la mise en œuvre de l’Initiative pour l’éradication de la poliomyélite (IMEP) en 1988, la polio causait la paralysie de 1 000 enfants chaque jour. Nous approchons de la ligne d’arrivée, mais il y a encore des cas qui se manifestent au Pakistan et en Afghanistan, et tant que tous les enfants ne seront pas immunisés, la polio continuera de représenter une menace. 

Un jour, alors que j’avais 6 ans, deux jeunes filles de mon entourage jouaient à la marelle. Elles s’amusaient, mais il m’était impossible de m’amuser avec elles en raison des limitations que m’avait laissées la poliomyélite. Je leur ai tout de même demandé si je pouvais me joindre à elles, mais elles se sont mises à rire en disant que je ne pouvais certainement pas sauter. 

Ce jour-là, j’ai décidé de me tenir debout, même si, physiquement, je ne le pouvais pas vraiment. Je n’avais pas de béquilles, mais je savais que je ne pourrais compter que sur moi-même pour mener mes batailles. J’ai alors mordu une des jeunes filles à la jambe. Je n’aime pas la violence, mais avec la détermination qui était la mienne, ces jeunes filles n’avaient pas la moindre chance de m’abattre.

Ma grand-mère m’a élevée et m’a souvent comblée de cadeaux à la moindre occasion, mais ce qu’elle m’a transmis de mieux, c’est sa volonté et sa détermination, et encore aujourd’hui, j’apprécie pleinement ce cadeau qu’elle m’a fait. Ses encouragements m’ont aidée à vaincre de nombreux obstacles.

Après cette dispute avec les deux jeunes filles du voisinage, ma grand-mère a pris une décision qui allait changer ma vie. Elle a décidé qu’elle me montrerait à me tenir debout et à marcher sans aucune aide. Elle a pris une brindille et m’a frappée jusqu’à ce que je puisse me tenir debout seule, en plaçant ma main sur ma jambe gauche, plus faible, pour la soutenir. C’est là une pratique qui peut sembler inacceptable dans notre société actuelle, mais je ne serais pas la femme que je suis maintenant sans la force que ma grand-mère m’a transmise. 

Lorsque j’avais 8 ans, ma famille a fui la guerre civile dans notre pays et est arrivée au Canada en tant que réfugiée. Pour la première fois de ma vie, je pouvais enfin faire traiter mon invalidité. J’ai passé plusieurs jours à l’hôpital Sick Kids à Toronto pour apprendre comment utiliser la nouvelle attelle pour ma jambe et les béquilles d’avant-bras.

Depuis ma plus tendre enfance en Somalie, je rêvais d’aller à l’école. Chaque jour, j’observais avec envie les autres enfants se rendre à l’école et en revenir. J’ai eu le cœur brisé lorsque mon frère plus jeune a commencé l’école alors que moi je restais à la maison. Mais au Canada, on me traitait comme tous les autres enfants : on m’a inscrite à l’école. Enfin, j’étais comme tout le monde.  

Aujourd’hui, je me sens privilégiée, parce qu’au Canada, j’ai accès à des soins de santé et à l’éducation, et la plupart des immeubles publics sont munis de rampes d’accès… mais j’utilise normalement les escaliers à cause de ma nature têtue.

Mais il y a des enfants qui vivent avec ses effets néfastes et qui sont moins chanceux que moi. D’autres risquent de contracter la polio, car ils n’ont pas accès aux soins médicaux appropriés et à l’éducation. La polio risque de leur confisquer leur enfance.

Image: Courtesy of Safia Ibrahim

La Journée mondiale contre la poliomyélite constitue l’occasion idéale pour sensibiliser les populations à la nécessité de soutenir l’IMEP. Il y a encore beaucoup de travail à faire si nous voulons éradiquer la polio d’ici 2030, mais je suis convaincue que grâce à une mobilisation mondiale, nous pouvons y parvenir.

En tant que survivante de la polio et représentante spéciale sur la polio pour UNICEF Canada, je rêve au jour où la polio sera de l’histoire ancienne et où chaque enfant pourra jouer à la marelle.


Safia Ibrahim est représentante spéciale sur la polio pour UNICEF Canada. Global Citizen et l’UNICEF sont membres d’une coalition d’organisations qui a pour objectif de sensibiliser les populations à l’Initiative pour l’éradication de la poliomyélite, qui a pour but d’éradiquer la polio d’ici 2023.


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Par Safia Ibrahim