Du haut de ses 23 ans, Mitzy Violeta Cortés Guzmán fait partie d’un collectif qui agit pour le climat et cherche à changer la narrative autour de la crise climatique du point de vue des peuples indigènes. 

Lauréate du Global Citizen Prize : Citizen Award Mexique 2022, Mitzy est une Mixtèque originaire de San Sebastián Tecomaxtlahuaca, Oaxaca, qui a grandi au cœur de la nature. Un lien étroit unissait sa communauté à la rivière, au lagon et aux montagnes, ce qui lui a permis de comprendre très tôt l’importance de protéger son territoire.  

Ayant grandi dans une communauté sans hiérarchie et avec un profond respect pour la nature, Mitzy a vite compris au début de ses études que l’enseignement académique considère très peu les connaissances des peuples indigènes dans la recherche de solutions face à la crise climatique.  

Elle a donc fait entendre sa voix pour à la fois résister et prouver que le savoir ancestral de son peuple était non seulement pertinent, mais aussi une solution vitale pour protéger la planète.  

L’activisme de Mitzy est né du fait qu’elle ait vécu et été témoin d’inégalités, d’oppression et de violence envers les communautés indigènes, en particulier les femmes, leur langue et leur territoire.  

Après avoir exploré divers lieux de rassemblement pour les jeunes, elle a trouvé sa place avec Red Futuros Indígenas, une conjonction de voix, de forces et de solutions collectives. 

Red Futuros Indígenas est un réseau de résistance qui vise, entre autres, à diffuser le savoir-faire, la langue et les pratiques ancestrales ; à défendre l’eau et le territoire ; à résister à l’extractivisme ; et à partager des recettes ancestrales à travers des ateliers, des réunions et des campagnes de communication. 

« Nous ne voulons pas revenir en arrière », peut-on lire dans le manifeste de l’organisation. « Nous n'idéalisons pas la précarité. Nous nions l’existence de personne. Nous ne présentons pas d’excuse. C'est un appel à la responsabilité pour mettre fin à ce désastre environnemental. Nous savons que les systèmes d’inégalités structurelles qui régissent le monde d’aujourd’hui sont les causes de la crise climatique. »  

Le manifeste se conclut par : « Il y a assez d’eau, de nourriture et de terres pour que tous les peuples et les êtres vivants puissent vivre dignement au Mexique et sur la planète. Nous pouvons régénérer les écosystèmes dont dépend notre avenir. Mais les changements doivent s'opérer à la base même du problème. Après chaque crise, nous ne voulons pas revenir à la normale, nous souhaitons revenir à nos racines. En période de crise climatique, l’avenir est notre territoire à défendre. » 

Mitzy veut s'assurer que davantage de personnes s'impliquent dans la protection de la terre, et que la lutte contre la crise climatique met l'accent sur ses causes structurelles, en y incluant des approches intersectionnelles. 

« Nous sommes convaincus que prendre soin de la terre va de pair avec la protection de la vie et du territoire », a-t-elle déclaré à Global Citizen. « Face à cette urgence, nous avons besoin de parler de la crise avec nos propres mots et notre propre perspective, d’échanger avec nos communautés, mais aussi d’être acteur du changement et capable de reconnaître les responsables de la crise. » 

Le Global Citizen Prize de cette année est décerné dans trois catégories : défendre la planète, vaincre la pauvreté et exiger l’équité, en se focalisant sur le changement climatique, l’autonomisation des adolescentes et l’élimination des barrières systémiques qui maintiennent les populations dans la pauvreté.   

En tant que lauréate du Global Citizen Prize : Citizen Award, Mitzy recevra un programme de soutien d’un an de Global Citizen, ainsi qu’un appui financier à Red Futuros Indígenas. 

Nous lui avons parlé de son militantisme, des nombreux obstacles auxquels sont confrontés les militants climatiques en Amérique latine et de ce qu’elle espère réaliser. 

Global Citizen : Comment est née l’idée du Red Futuros Indígenas ? 

Mitzy Cortés : Nous sommes un réseau composé de plus de 20 collectifs appartenant à différents peuples indigènes mexicains. Nos collectifs sont axés sur la défense intégrale du territoire, avec des actions allant de la réappropriation de la langue, du savoir-faire, de la médecine traditionnelle, de la communication communautaire et des actions de résistance contre les mégaprojets, l’exploitation minière, les projets énergétiques et la monoculture.  

Dans nos actions, nous nous positionnons en tant que réseau de résistance narrative et plaçons la défense du territoire comme alternative à la crise climatique, un phénomène qui affecte aujourd’hui la planète entière.  

En période d’écocide et de génocide, nous soutenons le fait que l’avenir est un territoire à défendre, un avenir qui comprend de nouvelles narratives qui dénoncent la violence contre les peuples indigènes, les femmes et la nature, mais qui sèment aussi l’espoir qu’un monde meilleur est possible. 

Depuis combien de temps travaillez-vous avec l’organisation et quelle est votre vision commune ? 

Nous travaillons ensemble depuis un peu plus d’un an et avons mené des campagnes de communication dans cinq domaines : l’énergie, les villes, la défense du territoire, l’eau et l’alimentation. Cela s’ajoute aux actions aux côtés des jeunes qui luttent pour la justice climatique, comme Fridays For Future MAPA, Legaia, et d’autres peuples indigènes militants. 

Nous souhaitons changer la narrative de la crise climatique et montrer qu’elle fait partie d’un problème bien plus important et que c’est nous, le peuple, qui luttons contre ce problème en préservant nos langues, en construisant ensemble et en défendant le territoire contre l’extractivisme.  


Pouvez-vous nous donner quelques exemples de moments ou de projets que vous avez menés qui ont eu un impact positif ? 

Parmi les jeunes et les membres du réseau, nous avons créé l’initiative Defensoras de la Tierra pour assister à la COP26 à Glasgow pour dénoncer ce qui se passait sur notre territoire et pour s’affilier à d’autres réseaux militants à la recherche de changements fondamentaux, où l'argent n'est plus utilisé au détriment de la vie. Nous étions un groupe de 10 femmes défenseures et d'autres collectifs de jeunes, qui ont travaillé ensemble pour créer et mettre cette œuvre initiative.

À Glasgow, nous avons également participé à l’assemblée des femmes autochtones « Cura Da Terra ». 

La campagne, à partir de laquelle le réseau est né, est basée sur cinq domaines : « La fiesta es resistencia », « Raíz Rompe Cemento », « Agua es mi territorio », « Recetario de resistencias », « Energía para quién ». 

Quel est l’objectif principal de Red Futuros Indígenas ? 

Nous sommes convaincus que prendre soin de la terre va de pair avec la protection de la vie et du territoire. Face à cette urgence, nous avons besoin de parler de la crise avec nos propres mots et notre propre perspective, d’échanger avec nos communautés, mais aussi d’être acteur du changement et capable de reconnaître les responsables de la crise.  

Sur quels projets travaillez-vous actuellement ? 

En ce moment, nous travaillons en interne avec les membres du réseau afin de renforcer certaines actions de communication et de sécurité. Nous développons également certaines actions quand cela est nécessaire, par exemple dans la lutte contre les sociétés minières et les mégaprojets. Je fais aussi maintenant partie des autorités de propriété collective de ma communauté, qui sont chargées de s’occuper des biens communs tels que l’eau ou la forêt, par exemple. 

Comment l’organisation est-elle structurée ? 

Les décisions sont prises dans une assemblée, où chaque collectif peut participer et voter dans toutes les prises de décisions. Nous partons du fait que nous sommes un mouvement collectif qui cherche à renforcer les actions de défense et de préservation territoriales face à la crise climatique actuelle.  

En termes de sécurité, l’Amérique latine est une région dangereuse pour un militant. Avez-vous fait face à des problèmes ou à des situations dangereuses ? Et comment avez-vous réussi à vous organiser pour continuer votre travail malgré ces obstacles ?  

Nous nous considérons comme des défenseurs du territoire qui se battent aux côtés de différentes organisations ou avec nos communautés. La plupart d’entre nous sommes dans nos communautés où c’est l’organisation-même qui nous a aidés à surmonter différents problèmes. Cependant, avec l’arrivée de projets d’extraction dans nos villes, il y a eu une augmentation de la violence, de la division et de la violation des droits humains subites par les membres de la communauté. Face à cette situation, nous luttons contre l’État, les entreprises et le crime organisé dans les communautés où il y a peu d’attention médiatique et où les défenseurs peuvent être assassinés ou intimidés sans justice ni protection.  

Plusieurs femmes ont subi des intimidations et ont dû quitter leur domicile, car elles dénoncent des projets d’extraction et se battent pour le respect des décisions communautaires. Mais nous avons appris que nous pouvons aussi construire nos propres réseaux de communication et organisations régionales pour obtenir des réponses plus rapides et des impacts plus importants. Entre les différentes organisations, nous prenons la parole pour dénoncer ces projets et leur faire savoir que nous ne sommes pas seuls.  

Quels défis rencontrez-vous encore aujourd’hui dans votre parcours et de quoi avez-vous besoin pour réussir ? 

Au cours des dernières années, la violence contre les peuples indigènes au Mexique a augmenté pour s’approprier nos territoires, nos connaissances et tenter de mettre un terme à notre organisation pour éviter toute résistance.  

La colonisation de nos peuples se poursuit à ce jour, malgré le fait que nous préservons 80 % de la biodiversité mondiale. Nous avons besoin de témoigner, de parler des conséquences de la violence et de la dépossession sur nos territoires, besoin d’un respect de notre libre autodétermination, besoin d’être responsables de nos territoires, d’arrêter d'être pillés et anéantis. 

Nous devons être reconnus en tant que solution à la crise climatique. Nous avons besoin que le monde comprenne qu’il existe différentes façons de vivre et de cohabiter avec la nature. Nous pouvons encore coexister sans système hiérarchique.  


Le 22 mai, les huit lauréats du Global Citizen Prize, dont Mitzy et ses autres lauréats du Citizen Award à travers le monde, ainsi que Nidhi Pant, la lauréate du Global Citizen Prize : Cisco Youth Leadership Award, seront récompensés lors d’une cérémonie et d’un dîner de gala privé qui aura lieu au Gotham Hall de New York.  

L’événement reconnaîtra le travail remarquable des lauréats, avec une diffusion exclusive du Global Citizen Prize sur YouTube et Twitter le 2 juin à 18h00 (CET).  

Découvrez également comment vous pouvez vous joindre à Mitzy pour passer à l’action pour défendre la planète ici

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Défendre la planète

Voici comment Mitzy Cortés, lauréate du Global Citizen Prize, agit pour le climat grâce au savoir des indigènes

Par Erica Sánchez