Pourquoi les Global Citizens doivent s’en préoccuper
La discrimination raciale met en danger la vie et le bien-être des gens partout dans le monde. Nous ne pouvons pas mettre fin à la pauvreté sans nous attaquer aux inégalités raciales. L’objectif de développement n°10 des Nations Unies vise à réduire les inégalités et à faire en sorte que chacun puisse pleinement réaliser son potentiel. Vous pouvez vous joindre à nous et passer à l'action ici.

Alors que les violences policières font rage aux États-Unis, des Global Citizens à travers le monde prennent conscience de l’ampleur du racisme systémique présent au sein de nos sociétés. Ces enjeux transcendent les frontières et sont aussi visibles en France. 

Si, selon la porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye, « les situations [des] deux pays ne sont pas tout à fait comparables, ni sur le plan de l’histoire ni sur le plan de l’organisation de la société », les violences policières et racistes sont elles aussi un problème à travers le pays. 

Au sein de l'hexagone, les personnes racisées ont 20 fois plus de chances d’être contrôlées par les forces de police, selon un rapport publié par le Défenseur des Droits.

Selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ce contrôle au faciès affecte les personnes Noires 11,7 fois plus que leurs homologues blancs, et résulte parfois en de violentes altercations. Récemment, avec le confinement lié à la COVID-19, ces violences racistes ont aussi empiré, selon Amnesty International

En 2016, notamment, Adama Traoré, 24 ans, est mort des suites d’une altercation avec la police. Les circonstances de sa mort rappellent celles de George Floyd, quatre ans plus tard. Ses derniers mots étaient eux aussi : « Je n’arrive plus à respirer ». Suite à l’émergence d’une nouvelle contre-expertise médicale datée du 29 mai, et remettant en cause la responsabilité des policiers dans son décès, quelque 20 000 manifestants, acteurs et activistes ont élevé leur voix pour dénoncer la persistance du racisme et des violences policières en France, en solidarité avec les États-Unis.

Trois activistes Noirs nous partagent leur ressenti et nous expliquent pourquoi la lutte antiraciste doit être une priorité en France. 

Anthony Vincent

Birthday boy. Expectations versus Reality.

Une publication partagée par Anthony Vincent (@anthonyvnct) le

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Anthony Vincent a 26 ans. Noir, journaliste et queer, il affirme que c’est « la lutte qui l’a choisi » plutôt que l’inverse. 

S’il a toujours été conscient de son identité, c’est en grandissant qu’il dit avoir constaté l’ampleur du racisme en France — notamment dans ses relations professionnelles et personnelles.  

Mais la mort de M. Traoré, en 2016, a été un véritable déclic qui l’a poussé à s’engager.

« Je savais que j’étais Noir, ma mère m'avait dit qu’il faudrait que j’en fasse quatre fois plus que les autres pour réussir, mais je ne m'étais pas dit que ça pouvait aussi me coûter la vie, affirme-t-il. J'avais déjà eu conscience de ce qu’il se passait aux États-Unis avec Black Lives Matter depuis 2013, mais ça me semblait un peu loin. Quand c'est arrivé à Adama Traoré, on avait presque le même âge. Ça aurait pu être moi ou mon petit frère, et là, vraiment, ça m'a frappé dans ma chair. J’ai fait un total transfert et je me suis dit : "C’est plus possible, il faut que je m’engage." »

Son vécu, à l’intersection du racisme et de l’homophobie, l’a poussé — avec une conseur journaliste, Douce Dibondo — à créer Extimité, un podcast unique qui tente de faire bouger les lignes en relatant les expériences de personnes minorisées en France. En donnant la parole aux concernés, il souhaite, avant tout, souligner le caractère systémique du racisme et d’autres formes d’oppression en France.

« Je ne suis pas forcément un organisateur de manifestations, mais je pense que la lutte passe aussi par la pédagogie, par la transmission de connaissances et de moyens de prendre soin de soi », admet-il. 

Cette pédagogie passe non seulement par une déconstruction des biais propres à chacun, mais aussi par une prise de conscience de l’ampleur du racisme et des violences policières — deux phénomènes qui touchent les États-Unis et la France de manières distinctes. Et si les récents événements aux États-Unis ont permis d’ouvrir la conversation sur la sévérité du racisme à l’échelle mondiale, M. Vincent souligne qu’il reste encore du chemin à parcourir en France, où le plaquage ventral est toujours légal, et où 1520 réclamations concernant la déontologie des forces de sécurité ont été déposées en 2018

Pour y arriver, il affirme qu’il est crucial de délaisser des attitudes aveugles à la couleur, de s’éduquer, mais surtout d’agir et de faire des dons. Qu’il s’agisse de podcasts, de films ou encore de livres, peu importe : « La prise de conscience, c’est bien, mais l’action c’est mieux. Donc, le conseil que je donnerais, ce serait “éduquez-vous vraiment” — et si ce n’est pas inconfortable, c'est que vous n’en avez pas fait assez. »


Safia Dos Santos

Safia Dos Santos est franco-américaine et a grandi dans le 13ème arrondissement de Paris.

Photo courtesy of Safia Dos Santos

Née d’un père béninois-congolais Noir et d’une mère blanche et américaine, elle avoue avoir longtemps lutté pour trouver sa place au sein de la société française en tant que femme métisse.

Bien qu’elle ait toujours été consciente de sa différence — tant au sein de son environnement immédiat, majoritairement blanc, qu’au sein des milieux antiracistes traditionnels — ce n’est qu’à l’université qu’elle en a soudainement pris conscience. 

« En première année de master, je suivais un cours Genre, race, classe dans lequel on avait touché du doigt les problématiques de l'intersectionnalité, du racisme couplé au sexisme et au classisme français. Je me suis dit qu'il y avait quelque chose à creuser, et étant américaine, j'étais très au fait des différentes luttes qu'il y avait pu avoir outre-Atlantique », affirme-t-elle.

Désireuse de trouver un environnement où chacun peut exister indépendamment des identités qui lui ont été accolées par la société, Mme Dos Santos a rejoint une communauté de femmes afro-descandantes. Elle voit cette organisation comme un espace où le mot d’ordre est le self-care, et où chacun peut grandir individuellement pour pouvoir, éventuellement, faire grandir les autres par la même occasion.

« Il y a différentes formes de militantisme ... Nous, on voulait créer un espace où tu n'as pas à te battre en permanence. Le combat quotidien que tu mènes en tant que personne racisée en France, tu peux le mettre entre parenthèses dans un environnement comme celui-ci où d'autres personnes ont vécu la même chose que toi. C'est vraiment un militantisme par le self-care. »

Et prendre soin de soi n’a jamais été aussi crucial, à l’heure où les violences raciales s’intensifient partout dans le monde, y compris dans le pays natal de sa mère.

Mme Dos Santos considère d’ailleurs que la lutte — qu’importe le pays — est avant tout commune.

« Quand je vois la situation aux États-Unis, j'ai du mal à comprendre comment on peut avancer, et ça me fait peur. Mais, d’un autre côté, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt par rapport à ce qu’il se passe en France, admet-elle. Depuis deux semaines, dans les débats publics en France, on pense ne pas en être au stade des États-Unis, où le racisme est supposément plus grave. Et ça me fait extrêmement mal. Les gens ont du mal à comprendre que les luttes contre les violences policières et la ségrégation raciale ne sont pas une lutte des blancs contre les Noirs. C'est une lutte commune dans laquelle les deux doivent avancer ensemble. »

Le secret de cette lutte ? L’éducation. Mais pas l’éducation de n’importe qui : celle des personnes blanches, qui doivent s’interroger sur les représentations dominantes, notamment médiatiques, auxquelles elles sont sujettes. 

Pour commencer, Mme Dos Santos recommande notamment la lecture du livre White Fragility de Robin DiAngelo.

À travers cette éducation, l’objectif est que chacun prenne conscience du caractère systémique et social du racisme, afin de travailler au niveau individuel et, de ce fait, élever la société dans son ensemble.


Paya Ndiaye

Paya Ndiaye, 24 ans, a grandi à Paris au sein d’une famille franco-sénégalaise populaire. 

À l’instar d’Anthony, elle admet avoir toujours été consciente de son identité en tant que femme Noire et racisée.

« Petite, j'ai saisi qu'il y avait des différences entre les individus selon qu'on était Noir ou blanc, selon qu'on avait de l'argent qu'on n’en avait pas, selon qu'on vivait à Paris ou en banlieue, selon qu'on était une femme, ou qu'on était un homme ... j’ai toujours su que j'étais Noire dans un pays majoritairement blanc », a-t-elle dit.

Sa prise de conscience, en revanche, s’est accentuée à mesure qu’elle évoluait dans le système éducatif et dans les cercles activistes français, où elle a fréquemment dû choisir entre défendre le féminisme ou lutter contre le racisme.

Aujourd’hui présidente de l’association antiraciste et féministe Lallab, elle admet avoir trouvé sa place au sein du milieu activiste français. 

Mais de nombreux progrès restent encore à faire pour que chaque citoyen soit traité justement en France, à l’heure où les évènements outre-atlantique ne font que magnifier des problèmes d’inégalité déjà présents sur le territoire.

« Je trouve ça très significatif qu'il ait fallu que quelque chose explose aux États-Unis de manière tellement forte qu'aucun pays occidental ne pouvait le nier, pour qu'en France, enfin, des combats similaires et qui sont menés depuis extrêmement longtemps puissent enfin commencer à émerger », Mme Ndiaye a dit.

Pour aider à faire bouger les choses, Mme Ndiaye juge crucial de redonner la parole aux concernés, d’éduquer, de sensibiliser, mais surtout de contribuer financièrement aux locales et nationales, telles Lallab, qui a récemment lancé une campagne de dons pour financer deux nouveaux programmes de formation. 

Et si ce combat peut sembler individuel, il n’en demeure pas moins mondial.

« C'est très fort, cet instant où on apprend qu’il y a des dizaines de pays où il y a eu des réactions. C’est une conscience commune que la négrophobie, quelles que soient ses bases et quelle que soit — localement et nationalement — la manière dont elle s’exprime, a des effets similaires, a-t-elle dit. L'histoire des États-Unis est tellement particulière, et les autres pays refusent de reconnaître que sur leur territoire, les mêmes enjeux existent. Nous, on est prêts à agir au niveau national en gardant cette conscience que c'est un combat vraiment universel. »

Pour une liste de ressources et d’organisations antiracistes en France, vous pouvez consulter la liste créée par l’association féministe Women Who Do Stuff à cette adresse.

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