« Nous ne voulions pas voir des enfants mourir » : la campagne d’un médecin ghanéen contre le paludisme

Auteur: Jacky Habib

Nipah Dennis for Global Citizen

Lorsque Kwame Amponsa-Achiano raconte les premières années de sa carrière en tant que médecin dans des régions reculées du Ghana, la saison des pluies lui vient toujours à l’esprit.  

Les mois de juillet et août, la période de pointe de la saison, sont marqués par une hausse des cas de paludisme.  

« Vous entrez dans le service et vous n’en ressortez pas », a déclaré Amponsa-Achiano, dont la charge de travail l’obligeait souvent à sauter des repas. « Toutes les cinq minutes, vous préparez une nouvelle [transfusion] de sang sur un enfant qui est sur le point de mourir. » 

Le paludisme est causé par un parasite et est transmis aux humains par les moustiques. Les symptômes, qui apparaissent environ après 10 à 15 jours, comprennent notamment de fortes fièvres, des frissons, de la diarrhée, des maux de tête et d’autres symptômes pseudo-grippaux.  

Sans traitement, ne serait-ce que pendant 24 heures, le paludisme peut entraîner des maladies graves, voire la mort.

« J’ai souffert à la fois en termes de santé physique et mentale parce que nous ne voulions pas voir des enfants mourir », a déclaré Amponsa-Achiano à Global Citizen. « Nous sommes confrontés à une maladie mortelle. » 

Même s’il est possible à la fois de prévenir et de guérir du paludisme, cette maladie a causé la mort d’environ 627 000 personnes en 2020, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

L’OMS rapporte que la grande majorité des cas se trouvent en Afrique, où les habitants sont confrontés à 95 % des cas de paludisme et 96 % des décès dus au paludisme. Chaque année, plus de 260 000 enfants de moins de cinq ans meurent de cette maladie en Afrique. 

Au Ghana, cela fait plusieurs années que les décès dus au paludisme diminuent. En 2012, huit personnes au Ghana mourraient chaque jour à cause de la maladie. En 2020, ce nombre est passé à un décès par jour. 

Pourtant, le paludisme reste une cause majeure de maladie et de décès à travers le monde, touchant particulièrement les enfants et les femmes enceintes. 

« Nous avons fait d’énormes progrès, mais [nos efforts dans la lutte contre le paludisme] ne sont pas encore suffisants et nous stagnons », a déclaré Amponsa-Achiano. « Toute intervention supplémentaire [...] sera bénéfique. Nous sommes impatients d’avoir un vaccin. » 

Le paludisme a également un impact économique important et représente les dépenses les plus élevées du régime national d’assurance maladie du Ghana (NHIS). 

Pour chaque cas de paludisme, les patients perdent huit à neuf jours de travail et leurs soignants en perdent cinq. Étant donné que certains enfants contractent le paludisme plusieurs fois par an, cela entraîne une perte économique et de main-d’œuvre conséquente pour leurs soignants, a déclaré Amponsa-Achiano. 

Lorsqu’il était jeune, Amponsa-Achiano se souvient d’avoir été tellement malade qu’il se retrouvait parfois à l’hôpital toutes les deux semaines.  

« Je vivais dans un village où il n'y avait que très peu de moyens de transport », a-t-il déclaré. « Imaginez un garçon de 6 ans [ou] 7 ans, malade, qui vomit et qui marche environ dix kilomètres pour rejoindre le centre [médical] le plus proche. » 

Avec le recul, il s’est rendu compte qu’il était atteint de paludisme. À l’époque, dans les années 1980, il a déclaré que les interventions de lutte contre le paludisme qui existent actuellement, telles que les moustiquaires imprégnées d’insecticide, la pulvérisation à effet rémanent à l’intérieur et l’utilisation de médicaments pour prévenir ou traiter le paludisme, n’étaient pas accessibles. 

« J’ai de la chance d’être en vie », a-t-il dit. « Beaucoup d’enfants sont morts sans raison dans mon village, et cela était probablement dû au paludisme. » 

Aujourd’hui, Amponsa-Achiano, qui travaille pour le Service de santé du Ghana, la branche de prestation de services du ministère de la santé du pays, s’efforce de fournir aux enfants comme lui l’accès à un vaccin qui sauvera des vies. 

Le vaccin RTS,S/AS01 (RTS,S) contre le paludisme est recommandé par l’OMS pour les enfants qui vivent dans des régions où la transmission de la maladie est modérée à élevée. Le vaccin, dont le nom commercial est Mosquirix, vient après trois décennies de recherche et de développement, et réduit le paludisme mortel et sévère de 30 %.

Dr Kwame Amponsa-Achiano

Dr Kwame Amponsa-Achiano
Le Dr Kwame Amponsa-Achiano (à droite) inspecte une livraison de vaccin contre le paludisme dans une chambre froide au Programme élargi de vaccination, Service de santé du Ghana, Accra, Ghana, le 22 juillet 2022.
Nipah Dennis pour Global Citizen

Dr Kwame Amponsa-Achiano

Dr Kwame Amponsa-Achiano
Le Dr Kwame Amponsa-Achiano (à gauche) inspecte le vaccin antipaludique nommé Mosquirix dans une chambre froide.
Nipah Dennis pour Global Citizen

Dr Kwame Amponsa-Achiano

Dr Kwame Amponsa-Achiano
Le Dr Kwame Amponsa-Achiano tient un flacon de vaccin contre le paludisme.
Nipah Dennis pour Global Citizen

Le vaccin RTS,S est administré en quatre doses chez les enfants à partir de l’âge de cinq mois et a été salué par l’OMS comme un vaccin révolutionnaire dans la lutte contre le paludisme. 

Cependant, la communauté scientifique internationale a soulevé des préoccupations importantes quant à l’évaluation du vaccin contre le paludisme. Lors de son déploiement, l’OMS a utilisé un processus de consentement implicite plutôt que de consentement éclairé, ce qui signifie que les participants n’étaient pas au courant qu’ils étaient l’objet d’une étude. Cela a suscité des critiques internationales de la part de bioéthiciens et chercheurs, dont l’un a qualifié cela de « grave violation des normes éthiques internationales ». La Fondation Bill et Melinda Gates a également récemment annoncé qu’elle ne financerait plus le vaccin, en partie en raison de son faible taux d’efficacité, a rapporté l’Associated Press. 

Le Programme de mise en œuvre de la vaccination antipaludique (MVIP), coordonné par l’OMS, a touché plus de 900 000 enfants au Ghana, au Kenya et au Malawi depuis 2019. 

Depuis mai 2019, date à laquelle les vaccinations ont été déployées pour la première fois au Ghana, 380 000 enfants ont reçu au moins une dose, selon Amponsa-Achiano. Il dit que ce chiffre représente environ 75 % de tous les enfants de la catégorie d’âge admissible dans les sept régions participantes du pays (Ahafo, Bono, Bono Est, Volta, Oti, Centre, Haut-Est). 


Si les deux dernières années nous ont appris une chose sur la santé mondiale, c’est l’importance des vaccins. The World’s Best Shot est une série de profils dédiée au partage des témoignages de militants en matière de vaccins à travers le monde. 

Information : Cette série a été rendue possible grâce au financement de la Fondation Bill et Melinda Gates. Chaque publication a été produite en totale indépendance éditoriale.