Le 25 septembre prochain, Global Citizen Live, un concert en direct sur le Champ-de-Mars à Paris, rassemblera des dirigeants, des chefs d’entreprise, des philanthropes, des artistes français et internationaux ainsi que des jeunes qui conjuguent leur passion pour la musique avec leur engagement pour façonner un monde meilleur.

Qui mieux que les jeunes, dont l’avenir est en jeu, pour saisir l’urgence de sauver notre planète ?

À l'heure où les reportages d'incendies spectaculaires — de l'Algérie au Brésil — et d'inondations meurtrières — de New York à l'est de l'Espagne — font la une des médias, la crise du climat est au cœur des préoccupations de la jeunesse.

Près d’un jeune sur deux déclare souffrir d'anxiété liée au climat, tandis que les trois quart estiment que le futur est « effrayant », selon les résultats de la plus vaste étude menée sur l’anxiété climatique des jeunes, rendue publique aujourd’hui.

Global Citizen s’est entretenu avec Côme Girschig, le militant écologiste français qui a représenté la France au Sommet de la jeunesse pour le climat à New York en 2019. Étudiant à Sciences Po Paris, il incarne cette « génération climat » qui ne baisse pas les bras et s’attaque de front au changement climatique.

Global Citizen : Pouvez-vous nous dire ce qui, dans votre vie personnelle, vous a fait prendre conscience du changement climatique et de son impact ? 

Côme Girschig : Un jour de canicule à Paris, je me suis rendu à la Gare du Nord. Je vis les gens se bousculer autour d'un stand SNCF qui distribuait gratuitement des bouteilles d'eau en plastique. J'ai encore en mémoire les visages terrassés par la chaleur, avalant sans plaisir ces gorgées d'eau tiède et cherchant n'importe quel divertissement sur écran pour échapper à cet environnement mortifère.

Cette lente agonie m'est apparue terrible, notamment parce que les solutions pour échapper à ces premiers symptômes du dérèglement climatique détruisaient encore plus l’environnement ! Ces bouteilles en plastique finiraient, de toute évidence, dans la nature après avoir été utilisées. 

Mise à part cette prise de conscience, ma prise de conscience a aussi été très « académique », par la lecture des rapports généraux et spéciaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).





Vous avez été invité à représenter la France pour participer au Sommet de la jeunesse pour le climat à New York en 2019. Que vous a enseigné cette expérience ?

Ce somment m'a appris que la communauté internationale était arrivée à bon port avec l'Accord de Paris sur le climat. Il engage la quasi intégralité des pays du globe à atteindre la neutralité carbone dans la seconde moitié du siècle, ce qui n’était pas donné avant 2015 !

De plus, il prévoit une revue quinquennale des objectifs, ce qui veut dire que les États seront poussés à être toujours plus ambitieux au fil du temps. Il est fait d'un alliage rare en droit international, mêlant la rigueur à la souplesse et l'ambition à l'universalité.

La France, principale artisane de cet accord, peut être fière de ses diplomates. Mais la conséquence à en tirer est que le gros du travail est désormais à faire aux niveaux nationaux et locaux, le cadre international devant simplement être utilisé comme un catalyseur d'ambition climatique. 

Comment chacun d'entre nous, les jeunes en particulier, peut être un acteur du changement et prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique ?

Pour être acteur du changement, il faut commencer par connaître son texte. En d'autres termes, il faut avoir le courage de canaliser l'émotion ressentie aux premiers incendies du type de dixie ou cyclones de type Ida, pour la transformer en action créatrice de changement. C'est donc un processus en trois étapes : ressentir d'abord, comprendre ensuite et créer enfin. 

En termes d’action très concrètes, nous pouvons tous agir à plusieurs niveaux. Le premier engagement est la transformation personnelle : changer son alimentation, sa façon de voyager ou encore n’acheter que des produits de seconde main.

Mais cela ne suffit pas car pour changer les choses, il faut aussi s’allier à de plus grands ensembles. Pour cela, vous avez trois options : rejoindre (ou créer) une association, comme je l’ai fait avec CliMates ou les Jeunes Ambassadeurs pour le Climat.

Vous pouvez aussi rejoindre une entreprise éthique avec un vrai projet de société — peu importe sa taille, tant qu’elle se fixe des objectifs ambitieux — et enfin rejoindre le service public. Être dans l’administration permet d’être un peu « au cœur du réacteur », ce qui est à la fois très utile et formateur.

Comment encourager les jeunes à s'engager en France et ailleurs ? 

Encourager les jeunes à s'engager en France et ailleurs est important parce que le temps nous est compté avant de vivre dans un monde où les températures globales seront à 1.5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Le temps n'est plus de l'argent : le temps c'est, désormais, du vivant.

Quand j'appelle les jeunes à s'engager politiquement, j'entends par là qu'ils prennent part à la vie de leur communauté, qu'ils osent remettre en cause les modèles dans lesquels ils ont grandi. Par exemple, il ne faut pas nécessairement avoir une grosse voiture et une grande maison pour être heureux. 

Il en est de même pour l’emploi : il existe d’autres façons de travailler que de travailler 35 heures par semaine et suivre le rythme « métro-boulot-dodo ».

Remettre en cause ces façons de vivre revient à remettre en question le modèle de production-consommation et donc à permettre l’émergence d’autres façons de faire la société. Cela peut bien sûr se faire par la politique au sens classique du terme, mais aussi à travers son métier ou de sa façon de vivre.

Se présenter à une élection demande autant de courage que de convertir sa ferme au bio ou de développer un réseau local d'économie circulaire.

Le 25 septembre, Global Citizen organise Global Citizen Live, un concert gratuit pour défendre la planète et vaincre la planète en interpellant les dirigeants, les entreprises et les philanthropes à prendre des mesures concrètes. En amont de ce festival, que souhaitez-vous dire aux dirigeants français et internationaux ?

Aux dirigeants français, je dis que la France a clairement une carte à jouer sur la diplomatie climatique. Dès les années 1990, la France s’est positionnée sur cette question et a grandement fait avancer l'agenda environnemental mondial (ce qui ne veut pas dire que nous avons, à l'intérieur de nos frontières, été de bons élèves).

Ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est passer la seconde. À une époque où le leadership se détermine par le stock d'ogives nucléaires et l'excédent commercial, osons casser ces codes et faire de l'ambition climatique un nouveau critère de comparaison internationale. 

En France, réduire les émissions de gaz à effet de serre passera par trois grands axes de politiques publiques. À court terme, il faut isoler les bâtiments (publics comme privés) et décarboner les transports, notamment les camions et les voitures. Cela pourra passer par des normes d’émissions et des incitations financières (de type bonus-malus) mais aussi par des subventions aux transports collectifs et partagés.

L’agriculture doit aussi être profondément réformée, sachant que cela se fait surtout au niveau européen (via la Politique agricole commune). Pour réduire les émissions de ce secteur (principalement du méthane, un gaz à effet de serre 24 fois plus puissant que le CO2) il faudra impulser un changement des comportements alimentaires et, donc, transformer les menus dans les restaurations collectives. 

Toutefois, de telles mesures ne seront efficaces que si elles sont accompagnées de réformes plus profondes de notre modèle économique. Comme l’avait demandé la Convention Citoyenne pour le Climat, il faudrait limiter voire interdire la publicité sur les produits les plus polluants (comme les véhicules SUV) ou, encore mieux, informer les consommateurs de l’impact des produits en général grâce à un écolo-score.

De nombreux think-tanks et organisations travaillent pour établir des propositions climatiques. Je ne peux que vous recommander de vous plonger dans les 150 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, une vraie Bible !

Qu’attendez-vous de la COP26 en novembre et comment les jeunes peuvent-ils s'impliquer ?

J'attends que les dirigeants du monde prennent des engagements forts comme atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, et que les médias et les associations aient suffisamment de pouvoir pour contraindre ces dirigeants à respecter leur parole. Les COP sont conçues pour cela.

Les jeunes peuvent également intervenir de trois manières différentes : pousser les dirigeants à être ambitieux en allant toquer à leur porte ou en leur envoyant des mails de propositions, donner à la COP un immense écho médiatique et enfin, de retour dans leur pays, suivre de près la politique de ces dirigeants.

Que diriez-vous aux Global Citizens ordinaires qui souhaitent s'attaquer au changement climatique et changer leurs habitudes quotidiennes ? Par où commencer ?

Devenir végétarien ou flexitarien est une très bonne école, car si le changement en lui-même est assez facile à faire, mais le justifier auprès de ceux que l'on aime l'est beaucoup moins. Changer son alimentation demande, en effet, de réinventer un lien central avec l'ensemble des cercles dans lesquels on vit, surtout en France.

Dans un autre registre, je pense qu’il vaut mieux avoir un métier éthique et en faveur de l’environnement dès ses 25 ans plutôt que de faire carrière et fortune dans une industrie polluante puis reverser une partie de son patrimoine à des fondations en faveur de l'écologie. Résister à la tentation de rejoindre des métiers climaticides est difficile mais constitue un acte d’engagement déjà très fort.

Faire preuve d’éthique à 20 ou 25 ans demande du courage et c'est exactement de ce courage dont la société manque aujourd'hui.


Vous pouvez rejoindre la campagne Global Citizen Live en passant à l'action ici pour défendre la planète et vaincre la pauvreté, et faire partie d'un mouvement porté par des citoyens du monde entier qui agissent de concert avec les gouvernements, les entreprises et les philanthropes pour changer les choses.

Global Citizen Asks

Défendre la planète

Quel rôle les jeunes jouent-ils dans la lutte pour le climat ? Côme Girschig nous répond.

Par Kamilia Lahrichi