La pandémie de COVID-19 est, avant tout, une urgence de santé publique qui a fait plus de quatre millions de victimes à travers le monde.

Elle a également engendré une multitude d’impacts secondaires, avec des effets à court et à long terme sur l’éducation des enfants, l’économie et l’inégalité de genre ainsi que sur les taux d’extrême pauvreté et de famine sur la planète.


Selon Chris Collins, président et directeur général des Amis de la lutte mondiale contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’impact indirect de la pandémie sur d’autres domaines de la santé est un aspect particulièrement inquiétant et souvent sous-estimé. M. Collins s’est entretenu avec Global Citizen pour expliquer comment les confinements, les restrictions publiques et les interruptions des services de transport ont eu un impact sur les systèmes de santé ainsi que la prestation des services de santé. Ces facteurs ont, par ailleurs, affecté deux problématiques majeures en matière de santé : le VIH et le paludisme.

Global Citizen : Un nouveau rapport de l’organisation Friends of The Global Fight montre que la COVID-19 a massivement perturbé les systèmes de santé et les prestations de services de santé relatifs au VIH, à la tuberculose et au paludisme dans les pays à revenu faible ou intermédiaire d’Afrique et d’Asie en 2020. Pouvez-vous apporter des précisions sur la manière dont la COVID-19 a eu un impact sur ces pathologies ?

Collins : Tout d’abord, il y a des perturbations sur le plan logistique. Lors d’une pandémie comme celle de COVID-19, de nombreux patients ne peuvent pas se déplacer pour obtenir les soins dont ils ont besoin en raison de l’obligation à rester chez soi et du manque de transports publics. Deuxièmement, la pandémie de COVID-19 a déstabilisé les budgets de fonctionnement soigneusement calibrés des hôpitaux et des autres établissements de santé. Si l’on ajoute à cela les problèmes de chaîne d’approvisionnement, cela fait que certains matériels essentiels,  comme les aiguilles, les seringues et les médicaments, par exemple, ont été beaucoup plus difficiles à se procurer, en particulier lors de la seconde vague meurtrière en Afrique et en Inde.

Plus précisément, nous avons constaté une baisse de 37 % des demandes de diagnostic et de traitement du VIH entre avril et septembre 2020. À travers toute l’Afrique, les établissements de santé ont vu une baisse de 17 % des diagnostics de paludisme et de 15 % des traitements anti-paludisme au cours de cette même période. Les orientations vers le diagnostic et le traitement de la tuberculose ont chuté de 59 %.

Pourquoi est-il si important de réfléchir à la façon dont la COVID-19 affecte d'autres problèmes de santé ?

Je crains que si nous n’examinions pas l’impact de la COVID-19 sur les systèmes de santé, les retombées économiques, l’éducation et d’autres aspects de la vie, et comment y répondre de manière efficace et globale, nous sous-estimions massivement les répercussions néfastes et à long terme de la maladie.

J’espère que la pandémie sensibilisera les responsables politiques à l’interconnexion entre les services de santé et les autres services et à la nécessité d’investir pour atteindre des objectifs ambitieux quant à [la gestion] des pandémies aujourd’hui et de renforcer les systèmes de santé afin qu’ils soient préparés à prévenir et à répondre aux menaces des maladies de demain.

L’impact de la COVID-19 sur le VIH/SIDA et le paludisme a-t-il été le même sur les personnes indépendamment de leur âge, genre et situation géographique ?

Non, pas du tout. Par exemple, le VIH touche déjà de manière disproportionnée les adolescentes et les jeunes femmes en Afrique subsaharienne. Lorsque la COVID-19 a fait irruption et que des confinements ont été instaurés, les groupes de soutien animés par des pairs en face à face ont dû être interrompus, ce qui a rendu plus difficile l’accès au traitement du VIH et aux services de santé procréative. La COVID-19 a, par ailleurs, menacé les programmes de prévention du VIH pour d’autres groupes vulnérables, y compris les travailleurs du sexe, les personnes qui s’injectent des drogues, les transgenres et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

En ce qui concerne le paludisme, nous savons qu’il s’agit d’une maladie qui tue principalement les enfants de moins de cinq ans, donc si les services de prévention et de traitement du paludisme sont perturbés, c'est un très grave problème. Nous avons vu les consultations médicales pour les enfants de moins de cinq ans chuter de 23 % en Afrique pendant la pandémie.

Que doit faire le monde pour se remettre sur la voie de la lutte contre les problèmes de santé tels que le VIH et le paludisme ?

Les dirigeants mondiaux doivent reconnaître que nous avons trop peu investi dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et que nous devons mobiliser de nouvelles ressources si nous voulons accélérer les progrès. Une des principales solutions est de soutenir une reconstitution réussie du Fonds mondial à l’automne de l’année prochaine. La reconstitution des ressources est la conférence de financement qui se tient tous les trois ans et au cours de laquelle les donateurs font des promesses de dons au Fonds mondial. Si nous pouvons augmenter de manière significative le financement de la santé mondiale par le biais du Fonds mondial, nous pourrons nous remettre sur la bonne voie.

La réponse mondiale massive à la pandémie de COVID-19 nous amène à nous poser la question suivante : quels enseignements pouvons-nous tirer de l'épidémie pour lutter contre le paludisme et le VIH/sida à l'échelle mondiale ?  

L’une des leçons à tirer de la pandémie de COVID-19 est que l’on a besoin des grandes interventions sanitaires, comme les vaccins, et qu’il faut les distribuer largement et encourager tout le monde à en bénéficier. De nouveaux outils devraient voir le jour pour le VIH et il est indéniable qu’il faut investir davantage dans la recherche sur le paludisme. 

Pour ces deux pathologies, nous devons nous engager à faire mieux pour rendre les traitements accessibles, sans discrimination et quelle que soit la situation financière de la personne concernée. Une autre chose que nous avons apprise est que les personnes les plus vulnérables au sein de la société sont aussi les plus touchées par les nouvelles crises sanitaires. Il est temps de tripler les services de santé adaptés afin de toucher les populations prioritaires et marginalisées. 


Quel message personnel souhaitez-vous partager avec la communauté mondiale ?


Nous avons face à nous une réelle opportunité et nous ne pouvons pas la laisser passer.

La pandémie de COVID-19 a ouvert les yeux des gens sur le fait que nous sommes tous connectés et qu’il faut des systèmes de santé solides, adaptables et fiables pour répondre aux besoins actuels des gens et être prêts à faire face aux nouvelles menaces de maladies. Nous devrions investir d’une manière cohérente avec ce que nous avons appris au cours de cette crise sanitaire, en augmentant de manière significative le financement de la santé mondiale de façon à faire progresser la lutte contre les pandémies d’aujourd’hui, comme le SIDA, la tuberculose, le paludisme et la COVID-19, ainsi que les menaces de demain.


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Vaincre la pauvreté

Quel a été l’impact de la COVID-19 sur la lutte mondiale contre le VIH et le paludisme ?

Par Madeleine Keck