Global Citizen est ravi de décerner le Global Citizen Prize : Citizen Award Afrique du Sud 2022 à Mam’Khanyisile Motsa. Profitons de cette occasion pour présenter Mam’Khanyisile Motsa, affectueusement surnommée Mam’Khanyi, et pour parler du prix qu’elle a remporté.  

Que veut dire « Mama » en Afrique du Sud ? La signification fascinante de ce mot retrouvé dans presque toutes les 11 langues officielles du pays prouve à lui seul que son importance ne doit pas être sous-estimée.  

Ce mot n’est pas associé à n’importe qui, et quand il précède votre nom (généralement comme « Mam »), c’est un signe distinctif pour les gens autour de vous. Cela signifie en effet « mère » ou « maman » mais aucun mot français ne peut traduire le respect, l’honneur ou l’estime qu’englobe le terme « Mama ».  

Le fait qu’une personne soit affectueusement connue de ses proches comme « Mam’Khanyi », représente à la fois la figure maternelle, mais aussi la structure sur laquelle se base une communauté.  

Home of Hope for Girls est une organisation à Johannesburg qui sert de foyer pour les jeunes filles qui ont survécu aux trafics d’enfants, aux abus et à la violence de genre. En tant que lauréate du Global Citizen Prize : Citizen Award, Mam’Khanyi recevra un programme de soutien d’un an de Global Citizen, ainsi qu’un appui financier à Home of Hope for Girls. 

La cérémonie du Global Citizen Prize récompense les militantes à travers le monde qui luttent et œuvrent sans relâche contre la pauvreté. Le Citizen Award récompense des acteurs du changement qui s’efforcent à mettre fin à l’extrême pauvreté dans leurs propres communautés et à favoriser le changement social à travers le monde.  

Le Global Citizen Prize de cette année sera décerné dans trois catégories : Défendre la planète, axée sur le changement climatique ; Vaincre la pauvreté, orientée vers l'élimination des obstacles systémiques qui maintiennent les gens dans la pauvreté ; et Exiger l'équité, axée sur l'autonomisation des femmes et des filles. Vous pouvez en savoir plus sur le Global Citizen Prize ici et sur les autres incroyables activistes du monde entier qui, comme Mam’Khanyi, ont remporté le Citizen Award dans leur pays, ici. Vous pouvez également retrouver plus d’information sur la façon dont vous pouvez vous joindre à Mam’Khanyi pour passer à l’action pour exiger l’équité et autonomiser les filles ici.  

Avant de remporter le Citizen Award Afrique du Sud 2022, Home of Hope for Girls a également reçu une reconnaissance et un soutien incroyables du monde entier, y compris de la Trevor Noah Foundation.  

Mam’Khanyi, qu’est-ce que ça fait de gagner ce prix ? 

Je ne connaissais même pas Global Citizen. Je suis tellement occupée par ce que je fais et par le travail que je fournis pour les filles que je ne sais même pas ce qui se passe autour de moi ! 

Et qu’en est-il de la rencontre avec Trevor Noah ? 

La même chose s’est passé avec Trevor. Quand j’ai demandé à la Trevor Noah Foundation de me soutenir pour obtenir des ordinateurs, je pensais surtout aux enfants. Certains vont jusqu’à la terminale (généralement 17 ou 18 ans) sans même avoir touché un ordinateur. Puis la fondation a accepté. Ce jour-là, j’allais enfin avoir des ordinateurs. Ils ne m’ont pas dit que Trevor allait venir.  

Puis quelqu’un a dit : « Maintenant, nous pouvons aller sur scène et nous asseoir. » Je me suis dit : « Pourquoi devrais-je m’asseoir là-bas ? Je suis ici pour des ordinateurs pour les enfants. » Puis je me suis retournée et j’ai vu que quelqu’un arrivait. Je me suis dit : « Je dois rêver, parce qu’on dirait Trevor. Mais non, ça ne peut pas être lui, Trevor est beaucoup plus petit que lui. » 

Vous lui avez dit que vous pensiez qu’il serait plus petit ?  

Oui ! Il m’a appelé : « Mam’Khanyi ! » et c’est là que j’ai su que c’était lui. J’ai dit : « Ce n’est pas possible ! Trevor, qu’est-ce que vous faites ici ? »  

Bref, j’étais tellement contente.


La chose la plus importante dans cette histoire est la façon dont Trevor l’a accueillie. Il l'a salué comme s’ils se connaissaient déjà. Mais ce n’était pas le cas. Le pouvoir qu’a Mam’Khanyi dans sa communauté, c’est aussi le pouvoir d’être affectueusement connue sous le nom de « Mam' ». Cela montre le respect que vous avez mérité en tant qu’aînée et leader communautaire. 


Qu’est-ce que ça fait d’être reconnue mondialement pour le travail que vous faites ?  

J’apprécie vraiment la reconnaissance et le soutien mondial. C’est une bénédiction. Mais ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont des ressources pour nous battre. Nous avons encore de l’énergie, nous devons nous battre et former ces jeunes. Ils ont besoin d’être rémunérés pour leur travail, nous ne pouvons pas mener une telle bataille qu’avec des bénévoles.  

Nous devons transformer ces jeunes volontaires en soldats. Et quand ils travaillent avec nous, ils peuvent être fiers et dire : « C’est ça mon métier. » Mais nous avons besoin de ressources pour garder ces soldats et continuer à nous battre. 

À quoi ressemblent ces ressources ?  

Nos organisations n’ont pas d’argent. Nous continuons à travailler avec des bénévoles, ce qui est formidable, mais je ne sais pas jusqu’où vous pouvez aller dans cette lutte avec du bénévolat ? Nous avons besoin d’un budget plus important. 

Parce que, quand je regarde ces gens, les trafiquants, toutes ces personnes qui abusent des enfants, ils peuvent se payer leurs propres soldats. Ils ont leurs propres soldats et ils les paient très bien. Nous devons faire de notre lutte une entreprise, tout comme ils font du trafic une entreprise. 

Home of Hope for Girls fête ses 22 ans cette année, qu’est-ce que ça fait ?  

Home of Hope est unique. Lorsque j’ai commencé, je n’avais pas l’intention de créer une organisation. Pour moi, j’aidais simplement ces enfants qui étaient en détresse et sans domicile. J’ai dit : « Il faut que je fasse quelque chose. »  

C’est pourquoi j’ai commencé à accueillir des enfants chez moi. Je suis restée avec eux. Si c’était encore comme ça aujourd’hui, je ne pense pas que l’organisation fêterait ses 22 ans cette année. Je ne savais pas à quel point le problème auquel j’étais confrontée était important. J’ai simplement pensé aux enfants.  

J’ai commencé à travailler dur, rapidement, dans l’espoir mettre fin à ce problème. J’ai fini par me retrouver face à face avec des proxénètes et des barons de la drogue. Je leur ai dit qu’ils devaient arrêter ça, arrêter de prendre et de blesser nos enfants. Malheureusement, les personnes que j'ai affrontées n'étaient pas les seuls. Il y avait trop de gens comme eux.  

Au fil des années, j’ai remarqué que le problème mutait petit à petit, s’adaptant à l’époque. J’ai réalisé que j’œuvrais contre des gens très dangereux. J’ai reçu tellement de menaces de mort, pour moi et les enfants aussi. Mais j’ai appris beaucoup en cours de route. Donc, pour répondre à la question, parce que j’ai dérivé, c’est que je ne pensais pas que l’organisation fêterait un jour ses 22 ans. 

Avez-vous déjà eu peur ?  

Non. Par contre, je suis devenue très têtue. Je me suis dit : je vais les affronter, on va se battre.  

Vous êtes-vous déjà senti seule ?  

Je ne me suis pas sentie seule, ça m'a incitée à me rapprocher davantage des enfants. Et je remercie aussi Dieu pour mes cinq enfants biologiques qui m'ont soutenue dans ce travail.

De quoi êtes-vous le plus fière ?  

Parfois, vous savez quand on voit un enfant qui a été tellement maltraité, on peut se dire qu’il n'y a aucun moyen de lui venir en aide. Mais je dis toujours : donnons-lui une chance. Pendant deux semaines, donnons-lui de l’amour, de la nourriture, laissons-le jouer avec d’autres enfants et ne lui posons pas trop de questions. Vous verrez la façon dont ils retrouvent leur sourire. Et après ça, vous vous dites que vous avez sauvé une vie. J’ai sauvé une vie. Le fait que cet enfant se relève et soit fier, c’est ça qui me rend fière.  

Parlez-nous de la fin de leur parcours avec vous, comment ça se passe ? 

Chez Home of Hope, nous suivons les enfants jusqu’à l’université. Quand ils vont à l’université, vous regardez leurs notes, certains reçoivent même des mentions. À ce moment-là, vous repensez à l’endroit où vous avez trouvé cet enfant, toutes ces cicatrices sur lesquelles vous avez travaillé ensemble. Les voir arriver jusque-là, c’est une victoire

À leur remise de diplôme, j’ai parfois l’air d’une folle, parce que je crie de joie à chaque cérémonie. Parfois, les gens ne comprennent pas et se demandent : « Pourquoi cette femme est-elle comme ça ? » Je suis comme ça parce que je dis : « Merci Seigneur. » 

Je me souviens d'une de mes filles qui a été diplômée en sciences mathématiques, et qui a eu de très bons résultats. . Et je suis consciente à quel point son parcours a été difficile. Elle n’avait pas d’ordinateur, elle allait à la bibliothèque tous les jours quelle que soit la météo, elle a travaillé si dur tous les jours. Je suis allée à toutes leurs remises de diplôme. Je les ai vus entrer dans le monde du travail, devenir des personnes qui contribuent à l’économie du pays. Je suis tellement fière. 

Et il y a également ceux qui ne vont pas à l’université. Nous favorisons les compétences. Ils reçoivent une formation, ils travaillent dans leurs magasins, ils s’occupent de leur famille. C’est ce que représente Home of Hope. Nous ne voulons pas accueillir et nourrir les jeunes, pour qu’au final, ils retournent au point de départ. Nous vous les dotons de toutes les compétences nécessaires pour prendre soin d’eux. Chez Home of Hope, nous cuisinons, nous faisons des gâteaux, nous faisons tout pour qu’ils puissent être autonomes.  

Avez-vous un message pour ceux qui trouvent cette lutte pour les droits des femmes et des filles trop difficile et qui envisagent d’abandonner ?  

Oui : pourquoi abandonner ?  

Abandonner ? Pourquoi faire ? Tout ce que vous aurez, c'est plus de stress et de la culpabilité. Aller de l’avant, c’est ça qui vous donne de l’espoir. Cela vous donne une liberté qui vous dit : « Au moins, je mourrai dans la bataille. Laissez-moi me battre. »

Je vis pour le moment présent. Je ne sais pas si je peux revenir en arrière. Je n’ai jamais songé à ça, ni à abandonner. Et je n’y pense pas. Je travaille avec les enfants ici et maintenant. Ça me permet de rester plus jeune qu'eux, vous voyez !

Ensemble, nous ne faisons qu’aller de l’avant, et nous devons continuer ainsi. Avec ce travail, j’ai espoir en l’avenir. Certains des enfants qui sont passés par mon programme, m’aident aujourd’hui. Ils sont devenus encore meilleurs que moi pour aider une personne qui est dans la rue. Ils travaillent mieux, ils leur parlent de leur parcours et où ils en sont aujourd’hui. Cela signifie qu’il y a de l’espoir, même pour vous. N’abandonnez pas. 


Le 22 mai, les huit lauréats du Global Citizen Prize, dont Mam'Khanyi et les autres lauréats du Citizen Award à travers le monde ainsi que la lauréate du Global Citizen Prize : Cisco Youth Leadership Award, Nidhi Pant, seront récompensés lors d'une cérémonie et dîner de gala au Gotham Hall de New York.

L'événement récompensera le travail des lauréats, avec une difusion exclusive de l'événement du Global Citizen Prize disponible sur YouTube et Twitter le 2 juin à 18h00 (CET).

Vous pouvez également découvrir comment vous pouvez vous aider Mam'Khanyi en passant à l'action pour exiger l'équité et autonomiser les filles ici.

Global Citizen Asks

Exiger l’équité

Rencontrez Khanyisile Motsa, la lauréate du Global Citizen Prize qui protège les enfants de la violence de genre et du trafic

Par Khanyi Mlaba