Les pays européens montrent la voie à suivre pour mettre fin à l'extrême pauvreté, mais cela pourrait changer avec la COVID-19

Auteurs: James Hitchings-Hales et Sarah El Gharib

Pourquoi les Global Citizens doivent s'en préoccuper
Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies ont été établis en 2015 pour créer une feuille de route, avec 17 objectifs sur lesquels travailler ensemble pour mettre fin à l'extrême pauvreté et à ses causes systémiques d'ici 2030. Chacun des 193 États membres des Nations Unies a adhéré à ce plan. À dix ans de son échéance, il est essentiel de veiller à ce que chaque pays soit tenu de respecter ses promesses. C'est pourquoi l'indice de développement durable est si important : il permet à chacun de rester sur le bon chemin. Agissez ici pour appeler les dirigeants mondiaux à continuer de se battre pour atteindre les ODD. 

Les pays européens sont extrêmement doués pour certaines choses : L'Europe détient le monopole du football, c'est le deuxième marché musical au monde et, selon un nouveau rapport mondial, c'est elle qui est la mieux placée pour lutter contre la pauvreté et ses causes profondes.

Comme pour le football et la musique, cette situation n'est pas nouvelle. L'année dernière, 13 des 15 premiers pays de l'indice des Objectifs de développement durable (ODD) — qui classe les pays en fonction des progrès réalisés pour mettre fin à l'extrême pauvreté d'ici 2030, en évaluant notamment les facteurs qui y contribuent, comme la faim, les soins de santé et l'égalité de genre — étaient européens.

Le rapport évalue les progrès accomplis par les pays du monde entier dans la réalisation des ODD des Nations Unies (également appelés « Objectifs mondiaux »). Il s'agit de 17 objectifs qui visent à mettre fin à l'extrême pauvreté et à ses causes systémiques d'ici 2030.

Dans celui de l'année 2020, l'Europe s'est imposée parmi les 15 premiers pays du classement, qui en regroupe quant à lui 196. Auparavant, les seuls pays non européens inclus étaient le Japon et la Nouvelle-Zélande, mais aujourd'hui, l'Irlande et la Suisse les ont devancés. Le seul autre basculement notable est celui de l'Islande, désormais remplacée par la Belgique.

Alors, tout va bien en Europe, n'est-ce pas ? Eh bien, pas tout à fait. Avant d'aller plus loin, examinons les progrès des trois premiers pays de l'indice, à savoir tous les pays nordiques situés autour de la mer Baltique.

1. Suède

Après avoir terminé deuxième l'année dernière, la Suède a fait des progrès en matière de pauvreté, d'égalité de genre, de santé et bien plus encore. Elle devrait ainsi devancer le Danemark à la première place en 2020.

Toutefois, si le rapport attribue à la Suède une note élevée en matière d'énergie propre (puisque sa population a accès à l'électricité et que les énergies renouvelables jouent un rôle important dans son approvisionnement énergétique), il indique que des défis majeurs demeurent en matière de changement climatique, en raison de ses émissions de dioxyde de carbone (CO2). 

C'est une critique qui persiste dans tous les pays du top 15 : pas un seul des États les mieux classés n'a obtenu de score en dehors de la « zone rouge » sur le climat, conformément à l'objectif mondial n° 13 des Nations Unies sur l'action climatique (la France, notamment, maintient un taux d’émissions de CO2 élevés avec de nombreux défis à relever pour réaliser cet ODD).

La Suède obtient également de mauvais résultats en matière de « consommation et de production responsables » avec ses niveaux de déchets électroniques et d'émissions de dioxyde de soufre (SO2), un polluant émis par la combustion de combustibles fossiles. Dans l'ensemble, le pays reste toutefois un exemple à suivre avec sa faible pauvreté, sa biodiversité protégée, sa connectivité Internet importante et sa couverture sanitaire universelle.

2. Danemark

Le Danemark est arrivé en tête du classement en 2019, et maintient sa place grâce à son faible taux de pauvreté, ses inégalités de revenus relativement faibles et l'absence de malnutrition et de retard de croissance infantile.

Comme la Suède, le pays obtient cependant de mauvais résultats en matière de climat et d'autres émissions, notamment de CO2, de SO2 et d'azote. Le Danemark est également pénalisé dans le domaine de la vie sous l'eau, puisqu'il pêche au chalut et qu'il est est en 46e place mondiale du Ocean Health Index.

Il lui reste aussi beaucoup à faire en matière d'obésité, de promotion des femmes dans le domaine scientifique, et de soutien à une population accablée par les loyers. Mais la recherche universitaire et l'égalité de genre, y compris l'écart salarial entre les hommes et les femmes et l'accès au planning familial, continuent d’avancer dans la bonne direction.

3. Finlande

En règle générale, la Finlande est une référence mondiale en matière d'éducation : il n'y a pas d'examen standardisé avant 18 ans, les enseignants doivent être titulaires d'un master, et les écoles privées ont été supprimées. Cette réussite se reflète dans l'indice ODD, qui fait état de taux élevés d'inscription à l'école primaire, de réussite dans le secondaire et d'excellentes aptitudes en mathématiques, en sciences et en lecture.

Des échos positifs ont également été reçus en matière d'eau potable (notamment concernant l'accès à des installations sanitaires saines), de justice (concernant les taux d'incarcération et la sécurité publique) et de droits du travail (entre autres, au vu du faible nombre de victimes d'esclavage moderne).

Néanmoins, les transports publics suscitent un certain mécontentement en Finlande, et le pays est aussi en mauvaise posture sur le plan de l’Overseas Development Assistance (ODA), qui représente les dépenses finlandaises d'aide internationale. Comme tous les autres pays du top 15, il lui reste encore beaucoup à faire pour progresser dans le domaine du climat.

À quoi ressemble l'avenir ?

Alors que le monde est au bord d'un profond changement, l'Europe pourrait voir ses progrès s'inverser brusquement. Le classement des ODD de 2020 pourrait être complètement différent de celui que nous connaîtrons dans les années à venir.

Cela est dû à quelque chose que l'on appelle la COVID-19. Peut-être avez-vous remarqué que certains pays — dont beaucoup pensaient qu'ils seraient les mieux à même de faire face à la pandémie grâce à leurs systèmes de santé solides, comme la Sécurité Sociale française  — n'ont pas tout à fait répondu à ces attentes.

La France (4e dans l'indice ODD, mais 6e en termes de mortalité due à la COVID-19 et la Belgique (11e dans l'indice et 12e en termes de décès) pourraient connaître une baisse similaire. Au 20 juillet, ces deux États européens comptaient respectivement 30 046 et 9 800 décès, ce qui pourrait très bien influencer l'évolution de leurs systèmes de santé et de leurs secteurs éducatifs dans les années à venir. Alors que la France connaît d’importants progrès en matière d’éducation (objectif n° 5) et est sur la bonne voie pour atteindre l’objectif n°3 relatif à la santé et au bien-être, la pandémie menace de bouleverser cette tendance. 

De même, si la Grande-Bretagne est restée en 13e position au classement de l'indice ODD en 2019 et 2020, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme que le Royaume-Uni a connu le troisième plus grand nombre de décès causés par le coronavirus dans le monde (45 273). Seuls les États-Unis (137 674) et le Brésil (77 851) ont à ce jour enregistré plus de décès au cours de la pandémie.

Tandis que les progrès européens pourraient stagner, les États d'Asie de l'Est et du Sud, y compris la Corée du Sud et le Japon, ont quant à eux connu une progression rapide depuis la création des ODD en 2015. Plus important encore, le rapport met en évidence la manière dont ils ont également mieux su faire face à la pandémie de COVID-19.

Alors que la crise économique déclenchée par le virus met en danger les progrès mondiaux dans la réalisation des ODD, ces États asiatiques ont pris une véritable longueur d'avance. Ceci laisse à penser que, contrairement à leurs homologues européens, ils sont mieux placés pour mettre en œuvre les ODD à l'avenir.

Cela est d'autant plus vrai que les progrès réalisés en Europe depuis 2015 en ce qui concerne les ODD — bien que les pays européens soient en tête des indicateurs mondiaux — ont en fait été en queue de peloton ; l'Afrique subsaharienne, l'Europe de l'Est, l'Asie centrale, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ont tous progressé à un rythme bien supérieur depuis 2015, comparativement à tous les pays qui figurent actuellement dans les 15 premiers de l'indice ODD.

Les 15 premiers pays sont tous des pays de l'OCDE, à savoir l'Organisation de coopération et de développement économiques, une agence qui aide à définir les normes en matière de dépenses d'aide afin de se concentrer sur la lutte contre la pauvreté. Concrètement, les pays de l'OCDE sont les pays les plus riches chargés d'aider les plus pauvres ; à cet égard, ils sont peut-être aussi ceux qui ont le moins de marge de progression, leur niveau de pauvreté étant déjà traditionnellement bas.

Cependant, si l'on compare les pays figurant dans les 15 premiers de l'indice ODD aux 15 États ayant pris les mesures les plus rapides pour lutter contre la pandémie, seuls six pays européens restent en tête : L'Estonie, la Slovénie, la Norvège, le Danemark, la République tchèque et la Finlande. Dans les faits, la Corée du Sud a été le pays le plus performant dans la lutte contre la pandémie entre le 4 mars et le 12 mai derniers ; aussi se trouve-t-elle dans le top 15 de l'indice SDG, à la 20e place.

Et maintenant ? Selon la Banque mondiale, pour la première fois en 20 ans, le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté pourrait augmenter de 60 millions à cause de la pandémie. 

Le virus a affecté tous les secteurs de notre société : les fermetures d'écoles se traduiront par une détérioration des résultats scolaires des enfants ; à cause d'une pression accrue sur les systèmes de santé, le nombre de décès augmentera sensiblement ; et la lenteur de la reprise économique entraînera un chômage massif, une pauvreté accrue et des inégalités encore plus marquées.

Dans l'ensemble, les progrès accomplis dans le cadre des ODD en pâtiront partout. Ce problème pourrait être bien plus palpable en Europe, où de nombreux pays ont encore du mal à faire face aux épidémies pendant l'été. 

Mais (et c'est un « mais » colossal) si les pays européens peuvent aligner de concert leurs plans de relance et de lutte contre la pandémie sur les ODD, tout en se concentrant sur des enjeux tels que la coopération internationale, la faim et la malnutrition, les filets de sécurité sociale et les soins de santé, alors la crise de la COVID-19 pourrait être utilisée comme un tremplin pour aider à atteindre les ODD d'ici 2030.

Voici les 15 premiers pays figurant au classement de l'indice ODD, tous européens et membres de l'OCDE :


Top 15 

1. Suède (84.72)

2. Danemark (84.56)

3. Finlande (83.77)

4. France (81.13)

5. Allemagne (80.77)

6. Norvège (80.76)

7. Autriche (80.70)

8. République tchèque (80.58)

9. Pays-Bas (80.37)

10. Estonie (80.06)

11. Belgique (79.96) 

12. Slovénie (79.96) 

13. Royaume-Uni (79,79) 

14. Irlande (79.38) 

15. Suisse (79.35)


Il ne nous reste plus que dix ans avant 2030 pour mettre fin à l'extrême pauvreté et atteindre les Objectifs fixés dans le cadre des ODD. Avec la publication du Rapport sur le développement durable de l'année 2020, nous nous penchons sur les réussites que nous avons déjà enregistrées, ainsi que sur les obstacles qui subsistent pour réaliser les ODD et mettre fin à l'extrême pauvreté d'ici 2030. Vous pouvez consulter notre dossier dédié au Rapport sur le développement durable 2020 en cliquant ici.