Visualisez la situation : une chorégraphe, un cinéaste et un photographe se rencontrent lors d'une fête dans les années 2000.
Consternés par l'apathie que manifestent nombre de leurs pairs à l'égard du processus démocratique, ils commencent à discuter de l'avenir de la jeunesse canadienne et de la notion d'engagement civique. Ils finissent par fonder une organisation qui vise à construire un nouvel avenir pour leur génération et, ce faisant, lancent l'une des premières campagnes de mobilisation des électeurs menées par des jeunes au Canada. Un scénario digne d'un film hollywoodien ? Peut-être. En tout cas, c’est bel et bien le parcours de l'Apathie c'est plate (A c'est P), une organisation qui encourage les jeunes à devenir des citoyens actifs et engagés dans la démocratie canadienne.
Depuis sa création en 2004, l'organisme, basé à Montréal, n'a cessé de croître pour promouvoir la participation des jeunes lors des élections fédérales, provinciales et municipales. Au fil des ans, A c'est P a mobilisé un nombre impressionnant de bénévoles, faisant appel à la puissance de la mobilisation de terrain, de l'art, de la recherche et des médias sociaux pour promouvoir le vote et l'engagement civique. L'association a notamment publié des travaux de recherche visant à favoriser une meilleure participation électorale, introduit des techniques novatrices d'engagement des citoyens et élaboré des campagnes percutantes pour encourager les jeunes à s'exprimer. Les membres du groupe ont également joué un rôle actif dans la promotion du dialogue sur certaines questions mondiales urgentes qui affectent les Canadiens au quotidien : le changement climatique, les droits humains et plus encore.
En bref, l'organisation a transformé la façon dont les jeunes Canadiens s'intéressent à la politique électorale en les incitant à agir au-delà du vote. À quelques jours des prochaines élections fédérales, A c'est P est de nouveau à l'œuvre, encourageant les jeunes à « prendre en charge les conditions dans lesquelles ils vivent ».
Global Citizen s'est entretenu avec la directrice générale de l'organisation, Samantha Reusch, au sujet de la nécessité d'inciter les jeunes à se mobiliser et à agir. Voici son avis sur la question.
Global Citizen: Comment l'Apathie c'est plate a-t-elle vu le jour et comment l'organisation a-t-elle évolué au fil des ans ?
Samantha Reusch: L'Apathie c'est plate a été fondée en 2004 par trois amis en soirée, soucieux du faible taux de participation électorale de leurs pairs et des effets à long terme de ces décisions sur les élections et sur notre démocratie dans son ensemble. Ils ont alors organisé l'une des premières campagnes de mobilisation électorale canadienne menées par des jeunes.
Au fil des ans, nous avons élargi notre champ d'action au-delà des élections pour nous concentrer sur le soutien et l'engagement des jeunes de manière plus générale afin qu'ils participent à notre démocratie. Nous organisons des programmes tout au long de l'année dans sept communautés à travers le Canada et développons en permanence des ressources et des outils pour informer et inspirer les jeunes à prendre en charge les conditions dans lesquelles ils vivent.
Comment se présente votre engagement personnel au sein de l'organisation ?
En tant que directrice générale, j'ai la chance de pouvoir travailler avec notre équipe extraordinaire et de la soutenir dans la réalisation de nos projets et programmes. J'ai également le plaisir de rencontrer d'autres personnes travaillant dans les secteurs de la démocratie et de la jeunesse afin d'échanger des idées, de partager notre travail et de nous rapprocher d'une communauté et d'un contexte plus vastes.
La démocratie est une passion pour moi. Veiller à ce que les jeunes aient la possibilité, les ressources et la capacité de faire entendre leur voix dans notre processus décisionnel collectif est au cœur de mon travail.
Parlez-moi de cette mission et du travail que vous menez pour la concrétiser.
Notre mission est de soutenir et de sensibiliser les jeunes pour qu'ils deviennent des citoyens actifs et actifs dans la démocratie canadienne. Notre travail consiste principalement à soutenir ce que nous appelons « l'innovation démocratique menée par les jeunes ». Nous reconnaissons que notre démocratie, historiquement ou aujourd'hui, ne soutient pas, ne reconnaît pas et ne mobilise pas les habitants de ce pays de manière égale. Les jeunes, en particulier ceux qui sont issus de communautés marginalisées, sont souvent exclus de notre processus démocratique et des tables de décision qui ont une si grande influence sur leur vie.
Nous pensons qu'en aidant les jeunes à acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour s'attaquer aux questions qui leur tiennent le plus à cœur, nous créerons les conditions nécessaires pour mettre fin au cycle négatif qui les empêche de s'engager.
En tant qu'organisation, a quels des défis avez-vous été confrontée en abordant des questions telles que la démocratie et le vote avec la jeunesse canadienne ?
La plupart des obstacles que nous rencontrons dans notre engagement sont une réaction à un système que nous percevons comme indifférent. La plupart des gens comprennent que le vote au Canada est un processus relativement simple, mais beaucoup pensent qu'ils n'ont pas les connaissances ou le pouvoir nécessaires pour s'engager efficacement dans les élections et dans d'autres opportunités de prise de décision collective.
Nous entendons souvent les jeunes qui ne votent pas tenir des propos tels que : « Tous les politiciens sont les mêmes », « Ils ne se soucient pas des gens comme moi » ou « Mon vote ne compte pas ». Souvent, ces récits sont assez profonds et découlent d'expériences personnelles et de perceptions qui ont été intériorisées. Ce sont les plus difficiles à démêler car ils sont très ancrés.
La création d'espaces où les jeunes peuvent éprouver un sentiment d'appartenance et est essentielle pour garantir, [à] long terme, que les jeunes puissent accéder à des postes de direction, tant au niveau communautaire qu'au sein de nos institutions, afin de créer davantage d'opportunités pour [leurs pairs].
Pourquoi l'élection du 20 septembre prochain est-elle un moment si crucial pour le Canada ?
Au cours des 18 derniers mois, nous avons tous vu à quel point il est important de savoir qui prend les décisions en notre nom et comment les décideurs exercent leur jugement dans les moments de crise et de difficultés.
Même si vous ne participez pas, le résultat d'une élection aura un impact sur vous dans un sens ou dans l'autre. Qui plus est, les individus prêtent attention à ceux qui participent aux élections - qu'il s'agisse des partis politiques, des candidats ou même des médias. Des ressources sont allouées pendant et entre les élections pour donner la priorité à certains enjeux. Même si vous ne pensez pas pouvoir avoir un impact sur le résultat de l'élection dans votre circonscription, le fait de s'intéresser à la situation est un premier pas pour faire évoluer le discours selon lequel les jeunes ne sont pas attentifs et ne se soucient pas de leur sort, car c'est loin d'être vrai.
Que pouvons-nous faire pour surmonter ce sentiment d'impuissance ?
Il est tout à fait naturel de se sentir impuissant, surtout lorsque nous sommes confrontés à de nombreux problèmes, tant au niveau national que mondial. Mon conseil est de toujours commencer modestement et localement. Chacun d'entre nous a un rôle à jouer dans sa communauté et dans son cercle social. Il faut du temps et de la pratique, comme pour toute chose, pour développer un arsenal d'outils et de compétences permettant d'avoir un impact sur nos systèmes plus larges. Commencer petit à petit nous permet d'acquérir la confiance et les capacités nécessaires pour relever des défis plus importants. Si chacun d'entre nous s'attaque aux problèmes qui nous préoccupent autour de nous, nous pouvons tous contribuer à construire une démocratie plus forte et plus équitable à long terme.
Comment devrions-nous appréhender la participation au-delà de l'élection ?
Comme je l'ai déjà mentionné, la démocratie une réalité quotidienne. Les élections sont une partie importante de notre impact, mais ce n'est pas le seul outil dont nous disposons. Dialoguer les uns avec les autres, soutenir les mouvements sociaux et les organisations communautaires, parler avec vos élus à tous les niveaux de gouvernement : voilà autant de choses que nous pouvons faire entre deux élections pour agir sur les questions qui nous tiennent à cœur.
Comment les jeunes peuvent-ils s'engager sur des questions qui dépassent les frontières du Canada ?
Notre gouvernement, surtout au niveau fédéral, a beaucoup de contrôle sur la façon dont nous, en tant que pays, nous engageons dans les affaires mondiales. Comprendre la position des différents partis sur certaines questions qui vous tiennent à cœur est un bon point de départ. En outre, se renseigner sur les questions et les mouvements citoyens qui s'y intéressent et soutenir leur travail est une autre façon de vous impliquer dans cette conversation. En fin de compte, plus nous en savons et plus nous sommes en mesure de soutenir les personnes qui font le travail sur le terrain, plus nous pouvons aller de l'avant et renforcer collectivement notre pouvoir pour avoir un impact sur les questions qui nous tiennent à cœur.
Cet entretien a été révisé pour plus de clarté.
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